Le spectre des émeutes ethniques de Cronulla, qui embrasèrent la banlieue de Sydney en décembre 2005, a plané, ce dimanche 19 juillet, à Sydney, Canberra, Perth, et à Hobart sur l’île de Tasmanie, sous l’effet dévastateur de manifestations anti-islam orchestrées simultanément par le mouvement nationaliste et islamophobe Reclaim Australia (Reconquérir l’Australie).

Une appellation qui sonne comme un cri de guerre et qui a d’ailleurs déjà sonné l’hallali contre les Australiens de confession musulmane, bien que ses leaders, d’un cynisme sans nom, se défendent de mener une croisade contre la présence musulmane sur le territoire national. Non, ils sont simplement farouchement hostiles à l’édification de mosquées et plaident avec une hargne décuplée pour l’adoption de mesures liberticides et implacables qui piétineront les droits fondamentaux de leurs concitoyens à bouter hors de la terre du Bush…

Des associations multiculturelles et prônant le dialogue interreligieux avaient pourtant tiré la sonnette d’alarme en début d’année, prédisant le pire si rien n’était fait pour endiguer le torrent de haine déversé par les nervis de Reclaim Australia partout où ils sévissent, jusqu’à ce que ce dimanche, qui a mis en ordre de marche des milliers d’ultras et exacerbé comme rarement les tensions raciales depuis 2005, leur donne tristement raison.

 "Quand vous avez, d’un côté,  une communauté qui a peur d’être ciblée en raison de sa religion, et de l’autre côté, une autre partie de la communauté qui prétend qu’une frange de la population pourrait mettre en péril l’identité australienne, vous avez  là une combinaison explosive et  catastrophique ", a commenté Stepan Kerkyasharian, le président du Conseil anti-discrimination de la Nouvelle-Galles du Sud.  "Cela pourrait se manifester de plusieurs manières. Je ne veux pas jouer les Cassandre, mais quelque chose de similaire aux émeutes de Cronulla pourrait tout à fait se reproduire", a néanmoins avancé, en espérant vivement se tromper, celui qui a œuvré sans relâche, depuis plusieurs décennies, à la promotion du multiculturalisme sur un îlot de prospérité qui l’a fécondé et dont la réputation de havre de paix ne pourrait être bientôt qu’un lointain souvenir.

Une perspective cauchemardesque pour nombre d’Australiens mais que George Christensen, le bouillonnant chef de file de Reclaim Australia, aimerait bien voir se réaliser en sinistre stratège de la banalisation de l’islamophobie et de la désunion nationale : "Nous ne resterons pas les bras croisés à regarder se déliter la culture australienne et le mode de vie australien que nous aimons et qui fait pâlir d’envie le monde entier, nous n’allons pas capituler devant ceux qui nous haïssent", a-t-il éructé, fier de son haut fait d'arme qui a semé le chaos lors d’un repos dominical de tous les dangers.

Alors que 10 de ses militants fanatisés et venus en découdre ont été interpellés par les forces de l’ordre, le commissaire de la discrimination raciale, Tim Soutphommasane, intervenant sur les ondes de la radio ABC, a voulu minimiser l’ampleur prise par Reclaim Australia à l’échelle nationale, tout en faisant part de son inquiétude : "Les sympathisants du mouvement qui protestent contre les Australiens de confession musulmane sont minoritaires dans le pays, mais il faut toutefois veiller à ne pas leur donner des signes d’encouragement, ni trop d’oxygène. La préservation de la cohésion nationale est une priorité absolue", a-t-il martelé.