Selon la NASA, le Soleil est dans une phase anormale d’hyperactivité depuis le 17 octobre : un groupe de taches solaires faisant face à la Terre, dont l’une est la plus grande observée depuis 24 ans, provoque des éjections de matière et des flashs lumineux (rayons X et UV) qui ont déjà perturbé certaines communications. Pour l’heure, le bouclier magnétique terrestre résiste. Mais le phénomène pourrait perdurer, et le risque de défaillances majeures des systèmes de télécommunications et informatiques n’est pas encore écarté.
C’est une tache solaire qui a mis le feu aux poudres, comme nous l’avons signalé ici-même. Observée par le satellite Solar Dynamics Observatory (SDO) de la NASA, elle est la plus grande depuis 1990, plus large que le diamètre de Jupiter, soit 140 000 km (11 fois le diamètre de la Terre). Elle forme avec d’autres taches plus petites un groupe, nommé AR2192, comme on n’en avait pas connu depuis 2001, visible à l’œil nu (à condition de se munir d’un filtre protecteur pour la rétine). Une situation paradoxale car l’astre était depuis 2008 plutôt léthargique… Mais le paradoxe n’est qu’apparent : les astronomes considèrent que s’étant peu « exprimé », il a emmagasiné un surplus d’énergie qu’il relâche aujourd’hui.
Le groupe AR2192 photographié entre le 24 et le 27 octobre 2014 par le satellite SDO sous plusieurs longueurs d’ondes (Credit: NASA/GSFC/SDO)
Le Soleil nous a mitraillé six fois depuis le 17 octobre
Or les astronomes savent bien qu’une tache est synonyme de perturbations : la tache est la partie visible d’un tube ou faisceau de lignes magnétiques plongeant au cœur du Soleil et qui freine le mouvement d’ascension du plasma (des noyaux d’hydrogène et d’hélium chargés et des électrons) vers la surface. Cela revient à bloquer l’évacuation de la chaleur, tel un couvercle. L’emmagasinement local de cette chaleur (confinement magnétique) se résout généralement par de violentes radiations X et UV et l’éjection de masse coronale (EMC) à 450 km/s qui constitue le vent solaire : le couvercle saute. Quand ce phénomène fait face à la Terre, celle-ci prend un double coup de Soleil :les radiations parviennent jusqu’à nous en 8 minutes, et la matière en 4 jours et demi.
En l’occurrence, la Terre a déjà reçu six bouffées de colère solaire, dont la plus violente date du 24 octobre. Heureusement, le champ magnétique terrestre forme un bouclier naturel invisible qui dévie le vent solaire sur les cotés, et différentes molécules de l’atmosphère dont l’ozone absorbent les radiations lumineuses avant que celles-ci touchent le sol. Mais parfois l’attaque est trop forte pour que le champ magnétique et l’atmosphère fassent rempart : une partie de la matière solaire et de ses radiations peuvent alors faire de gros dégâts, comme cela est peut-être arrivé en l’an 775, et comme cela a failli arriver en juillet 2012 si la Terre avait été légèrement décalée sur son orbite, comme l’a annoncé la NASA en juillet dernier.
Le risque : la mise hors d’usage des satellites de télécommunications, des communications radio, des réseaux et systèmes électriques, sans parler des irradiations mortifères touchant les passagers des avions et, finalement, les habitants de la Terre. Un Armageddon technologique et humain, comme l’illustre cette infographie (cliquer dessus).
Pour l’heure les effets ont été limités. Mais le cycle n’est pas fini
Néanmoins, malgré le classement des six évènements dans la catégorie X (video en anglais ci-dessous), la quatrième et plus forte dans l’échelle des éruptions, ces coups déjà reçus par la Terre n’ont eu que peu d’effets car l’éjection de masse coronale (EMC) a été de faible ampleur – cela dépend de l’humeur solaire : selon le jeu des forces magnétiques une très forte éruption peut ne pas engendrer d’EMC importante. Seules les radiations X et UV ont causé quelque problèmes aux communications radio à ondes courtes et aux systèmes GPS.
Les astronomes ont prévu que le groupe de taches solaires incriminé cesserait de nous faire face ces jours-ci car la « surface » Solaire (du gaz d’hydrogène et d’hélium chaud) est en rotation, comme la surface terrestre : elles devraient disparaître de notre vue par la droite (du disque solaire)… mais pour réapparaître dans une dizaine de jours par la gauche ! Comme il est encore impossible de prévoir l’amplitude et l’étendue des irruptions solaires, malgré des modélisations encourageantes obtenues récemment par des chercheurs français, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) tient des bulletins d’information, et la surveillance demeure.
R.I.
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