La Turquie a abattu mardi un avion militaire russe provoquant une brusque escalade de la tension avec Moscou
Le Pentagone affirme que les autorités turques ont prévenu l'avion russe qu'il violait leur espace aérien
Publié le - Mis à jour le
International
La Turquie a abattu mardi un avion militaire russe qui avait, selon elle, violé son espace aérien à sa frontière avec la Syrie, provoquant une brusque escalade de la tension avec Moscou. Cela met en péril les efforts de formation d'une coalition antidjihadiste mondiale.
La Turquie dispose d'informations selon lesquelles les deux pilotes de l'avion militaire russe abattu mardi par l'aviation turque près de sa frontière avec la Syrie sont en vie, et essaie de les récupérer, a annoncé à l'AFP un responsable gouvernemental turc. L'Etat-Major russe affirme qu'un des deux pilotes serait décédé.
"Ces communications étaient sur des canaux ouverts"
L'armée américaine a appuyé les déclarations des militaires turcs qui affirment avoir mis en garde le bombardier russe à 10 reprises avant de l'abattre mardi près de la frontière syrienne. "Nous étions en mesure d'entendre tout ce qui se passait, ces (communications) étaient sur des canaux ouverts", a déclaré le colonel Steve Warren. "Je confirme cela", a répondu ce porte-parole militaire américain interrogé sur les dix avertissements que la Turquie affirme avoir donnés à l'avion russe accusé d'avoir violé son espace aérien.
L'appareil russe, un chasseur-bombardier de type Sukhoï Su-24, a été abattu par deux F-16 turcs et s'est écrasé dans l'extrême nord-ouest du territoire syrien, au nord de Lattaquié, théâtre depuis plusieurs jours de violents combats entre l'armée syrienne, soutenue par l'aviation russe, et des groupes rebelles.
Réunion extraordinaire de l'Otan
Saisie par la Turquie qui en est membre, l'Otan a convoqué en urgence une "réunion extraordinaire" pour examiner les circonstances de l'incident. "L'Otan suit la situation de près", a indiqué à l'AFP un de ses responsables.
Cet incident, le plus grave depuis le début de l'engagement russe aux côtés du président syrien Bachar al-Assad, intervient alors que le président français François Hollande doit tenter de convaincre cette semaine les Américains, et surtout les Russes, de muscler ensemble leur lutte contre les jihadistes après les attentats de Paris.
Moscou est le dernier soutien, avec l'Iran, au régime de Damas, alors que les Occidentaux et la Turquie exigent le départ immédiat du président Assad.
Poutine furieux
Le président russe Vladimir Poutine a vivement réagi à la perte d'un de ses avions militaires en dénonçant un "coup de poignard dans le dos qui nous a été porté par les complices des terroristes".
"Notre avion, nos pilotes ne menaçaient nullement la Turquie", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse. "Cet événement tragique va avoir des conséquences sérieuses sur les relations russo-turques", a ajouté le numéro 1 russe. "Nous ne tolérerons jamais que des crimes comme celui d'aujourd'hui soient commis".
La Turquie a longtemps été accusée de complaisance pour les rebelles radicaux en guerre contre le régime de Damas mais a récemment rejoint la coalition antijihadiste.
La Turquie se justifie
De son côté, le Premier ministre Ahmet Davutoglu a justifié le recours à la force. "Tout le monde doit savoir qu'il est de notre droit internationalement reconnu et de notre devoir national de prendre toutes les mesures nécessaires contre quiconque viole notre espace aérien ou nos frontières", a-t-il déclaré.
Dans une déclaration publiée sur son site internet, l'état-major turc a affirmé que le chasseur-bombardier russe avait clairement violé l'espace aérien turc et qu'il en avait été averti "dix fois en l'espace de cinq minutes".
Le ministère russe de la Défense a catégoriquement démenti les allégations turques. Il "se trouvait exclusivement dans l'espace aérien syrien", a-t-il assuré.
Immédiatement après l'incident, la Turquie a convoqué le chargé d'affaires russe à son ministère des Affaires étrangères Ankara pour protester. La Russie a riposté de même en convoquant l'attaché militaire turc à Moscou.
Depuis le début de l'intervention militaire russe en soutien au président Bachar al-Assad fin septembre, les incidents de frontière se sont multipliés entre Ankara et Moscou. A deux reprises, des chasseurs turcs avaient intercepté des avions militaires russes engagés en Syrie qui avait violé leur espace aérien.
"La Russie a depuis quelque temps tiré sur la corde. Je pense que l'engagement de la Russie en Syrie constitue un défi délibéré à la Turquie (...) et à la capacité de la Turquie à jouer un rôle influent dans la région", a commenté à l'AFP Ian Shields, un ancien pilote militaire britannique expert à la Anglia Ruskin University.
La tension entre les deux pays s'est encore accrue ces derniers jours, après une série de bombardements russes qui ont, selon Ankara, visé des villages de la minorité turcophone de Syrie, les Turkmènes.
"Russie, hors de la Syrie"
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov était attendu mercredi à Ankara pour rencontrer les responsables turcs dans le cadre des pourparlers engagés à Vienne entre les Occidentaux, la Russie, la Turquie et les pays arabes pour esquisser une solution politique au conflit syrien, qui a fait plus de 250.000 morts en quatre ans. Selon les agences de presse russes, cette visite a été annulée.
Quelques dizaines de Turcs ont manifesté devant le consulat général de Russie à Istanbul aux cris de "Russie assassin", "Russie, hors de la Syrie".
Tusk : "C'est un moment dangereux" mais "il faut garder la tête froide"
Le président du Conseil européen Donald Tusk a appelé mardi à "garder la tête froide". "En ce moment dangereux après qu'un avion russe a été abattu, nous devons tous garder la tête froide et rester calme", a déclaré Donald Tusk sur son compte Twitter.
De son côté, la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, s'est entretenue mardi matin avec le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, et a souligné la "nécessité d'éviter une escalade", dans un tweet.
Une "réunion extraordinaire" du Conseil de l'Atlantique Nord, principal forum de consultation politique de l'Otan, est prévue à Bruxelles mardi en fin d'après-midi.
Ce conseil est composé de hauts représentants des 28 pays membres de l'Alliance atlantique, dont la Turquie fait partie.
Damas dénonce une "agression flagrante" de la Turquie contre sa souverainté
La Syrie a dénoncé mardi une "agression flagrante" contre sa souveraineté après que la Turquie voisine a abattu un avion russe dans le nord du pays. "Dans une agression flagrante contre la souveraineté syrienne, la partie turque a abattu ce matin un avion russe ami sur le territoire syrien, à son retour d'une mission de combat contre le groupe Daech (acronyme arabe du groupe État islamique)", selon une source militaire citée par l'agence officielle Sana.
Cela "démontre que le gouvernement turc se tient du côté du terrorisme et apporte son soutien aux groupes terroristes qui ont commencé à s'effondrer sous les coups de l'armée syrienne", a poursuivi la source militaire.
"Ces actes d'agression désespérés ne feront que renforcer notre détermination à poursuivre la guerre contre les organisations terroristes avec le soutien et l'aide des amis, avec la Russie à leur tête", a-t-elle ajouté.
Le régime syrien considère comme "terroristes" les djihadistes comme les groupes rebelles.
A découvrir aussi
- Des avions de combat russes ont détruit un lanceur de missiles sol-air
- Général Desportes : « La France doit le savoir : elle n’est plus défendue
- vendre la FRANCE aux musulmans -Le Qatar va racheter la dette française en échange de la cession des banlieues