J’attire l’attention de mes lecteurs sur l’article très intéressant et d’une extrême virulence publié il y a quelques jours par Paul Craig Roberts.
Cet auteur n’est pas n’importe quel Américain. Économiste de formation, diplômé des universités de Berkeley et d’Oxford, aujourd’hui âgé de 74 ans, il a été Secrétaire Adjoint au Trésor américain dans l’administration de Ronald Reagan, puis membre du Centre d’Études Stratégiques et Internationales à l’université Georgetown. Autant dire qu’il a fait partie de la classe dirigeante conservatrice des États-Unis pendant une partie de sa vie. Il a même été décoré de la Légion d’Honneur en France par Édouard Balladur, alors Premier ministre, en 1987.
Cependant, après avoir été ensuite rédacteur en chef adjoint et éditorialiste du Wall Street Journal, ainsi que chroniqueur pour Business Week et au “Scripps Howard News Service”, Paul Craig Roberts a progressivement pris ses distances d’avec “l’establishment” américain. Jusqu’à en arriver à une rupture désormais totale.
Il dénonce maintenant, et depuis plus de dix ans :
- d’une part la politique économique contemporaine des dirigeants de Washington et des pays occidentaux à leur suite : son dernier livre s’intitule ainsi “L’échec du capitalisme du laissez-faire et la dissolution économique de l’Occident” (The Failure of Laissez Faire Capitalism and Economic Dissolution of the West )
- d’autre part les dérives de plus en plus inquiétantes en matière de droits civiques et de libertés publiques aux États-Unis. Il a publiquement émis de sérieux doutes sur la version officielle des attentats du 11 septembre 2001 et s’est fait récemment remarquer pour prendre la défense de Bradley Manning et d’Edward Snowden.
Il écrit désormais régulièrement dans le magazine américain indépendant Counterpunch, ainsi que sur son blog, où le ton qu’il emploi tranche, de façon extraordinaire, avec la pensée unique des élites d’Outre-Atlantique et des médias occidentaux asservis.
C’est sur son blog qu’il vient à la fois de comparer le procès de Bradley Manning à un procès stalinien, et de publier un article fracassant, d’une extrême virulence, intitulé “L’Amérique discréditée” dont je conseille vivement la lecture.
Si je conseille cette lecture, c’est que cet article et cet auteur prouvent qu’il existe, aussi, aux États-Unis d’Amérique des intellectuels, et des personnes qui ont exercé de très hautes responsabilités politiques et économiques, qui pensent autrement et qui cherchent courageusement à rétablir la justice et la vérité.
Cela me permet au passage de démonter l’un des arguments habituels de nos adversaires. Comme ils n’ont rien que des slogans creux de la propagande européiste la plus éculée à nous opposer sur le fond – parce que nos analyses sont impeccablement sourcées et irréfutables -, certains d’entre eux en sont réduits à nous calomnier piteusement, d’un revers de la main, en lançant que nous serions « anti-américains ».
Eh bien non, nous ne sommes pas « anti-américains » puisque nous donnons le plus grand écho possible à ce que pensent des Américains eux-mêmes – et non des moins informés – !
Les lecteurs trouveront la version originale de cet article sur le blog de Paul Craig Roberts (http://www.paulcraigroberts.org/2013/08/01/double-feature-bradley-manning-verdict-convicts-washington-and-hiding-economic-depression-with-spin-paul-craig-roberts/).
Ils pourront en trouver la traduction française ci-après. [Elle est reprise d’un autre site francophone – http://avicennesy.wordpress.com/2013/08/02/lamerique-discreditee-paul-craig-roberts/ – que je cite par correction et respect de la propriété intellectuelle, mais dont je précise aussi que je ne fais pas miennes toutes les analyses qui y figurent par ailleurs).
François ASSELINEAU
L’AMÉRIQUE DISCRÉDITÉE
par Paul Craig Roberts
Comme Washington perd son emprise sur le monde, défié par le Venezuela, la Bolivie, l’Équateur et maintenant la Russie, le gouvernement américain a recours à des crises de colère publiques. La manifestation constante d’une attitude puérile de la part de la Maison Blanche et du Congrès embarrasse chaque Américain.
La dernière manifestation du comportement infantile de Washington a été sa réponse au Service de l’Immigration russe pour l’octroi de l’asile en Russie pour un an au lanceur d’alerte américain Edward Snowden, en attendant que sa demande d’asile permanent soit étudiée. Washington, après avoir transformé les États-Unis en un État de non droit, n’a plus aucune conception de ce qu’est une procédure légale. La loi, c’est tout ce qui sert Washington. Tel que Washington voit les choses, la Loi n’est rien d’autre que la volonté de Washington. Toute personne ou pays qui interfère avec la volonté de Washington se comporte illégalement.
Parce qu’Obama, comme Bush avant lui, bafoue systématiquement la législation et la Constitution américaines, la Maison Blanche pense réellement que le président russe Vladimir Poutine doit désobéir à la loi russe et internationale, révoquer la décision d’asile du Service de l’immigration de la Russie, et remettre Snowden à Washington.
Washington attendait que la Russie lui remette Snowden simplement parce qu’il l’exigeait. Comme un enfant de deux ans, Washington ne peut pas concevoir que ses demandes n’aient pas préséance sur le droit international et les procédures juridiques internes de chaque pays. Comment la Russie ose-t-elle défendre la loi contre «la nation indispensable»?
Le porte-parole de la Maison Blanche, qui est si médiocre que je n’arrive pas à me rappeler comment il / elle s’appelle, a déclaré que le crétin de la Maison Blanche pourrait punir Poutine en n’allant pas lui rendre visite à Moscou le mois prochain. Je doute que Poutine se soucie de savoir si le crétin de la MB (Maison Blanche) se montre ou pas.
La durée du mandat du crétin de la MB est proche de sa fin, mais Poutine, à moins que la CIA ne l’assassine, sera là pour une autre décennie. En outre, chaque dirigeant russe a appris que la parole d’un président américain ne signifie rien. Clinton, les deux Bush et l’actuel crétin de la MB ont violé tous les accords que Reagan a faits avec Gorbatchev. Pourquoi le président de la Russie, un pays gouverné par la loi, voudrait rencontrer un tyran?
Pour ne pas être en reste vis-à-vis de la Maison Blanche dans le comportement infantile, les membres de la Chambre et du Sénat ont ajouté chacun sa petite part à l’embarras de l’Amérique. Les abrutis du Congrès «ont réagi furieusement», selon les rapports de presse, et ont averti «des graves répercussions dans les relations américano-russes.”
Ici, nous avons une autre démonstration extraordinaire de l’orgueil de Washington. Seule la Russie doit se préoccuper des répercussions dans les relations. Washington n’a pas à s’en préoccuper. Sa Majesté Impériale refusera tout simplement d’accorder audience à Poutine.
Le Congrès ne semble pas être au courant de sa schizophrénie. D’une part, le Congrès est indigné par l’espionnage illégal et inconstitutionnel de la National Stasi Agency – espionnage du Congrès surtout – et tente de couper le financement du programme de surveillance de cette même National Stasi Agency. L’amendement au projet de loi de dépenses militaires par Justin Amash, un républicain du Michigan, allait presque passer. L’amendement n’a été rejeté que par des votes achetés par l’industrie de l’espionnage.
D’autre part, malgré son indignation d’avoir été espionné, le Congrès veut le scalp du héros courageux, Edward Snowden, qui les a informés qu’ils étaient espionnés. Nous avons ici une démonstration de la stupidité historique du gouvernement qui tue le messager.
Seuls quelques fous de droite estiment que la surveillance universelle de tous les Américains est nécessaire pour la sécurité américaine. L’Agence nationale de la Stasi va batailler ferme et faire chanter tous les membres de la Chambre et du Sénat, mais le chantage lui-même finira par couper les ailes de l’Agence nationale Stasi, en tout cas on peut l’espérer. Si cela n’est pas fait rapidement, l’Agence Stasi aura le temps d’organiser un événement sous fausse bannière qui va terrifier le troupeau de moutons et mettre un terme aux tentatives de freiner l’agence voyou.
Les États-Unis sont au bord de l’effondrement économique. La prétendue «superpuissance», une entité en faillite, a été incapable, après 8 ans d’efforts, d’occuper l’Irak, et a dû abandonner. Après 11 ans, la «superpuissance» a été vaincue en Afghanistan par quelques milliers de talibans légèrement armés, et est maintenant en train de battre en retraite la queue entre les jambes.
Washington compense son impuissance militaire en commettant des crimes de guerre contre des civils. L’armée américaine est un grand tueur de femmes, d’enfants, d’anciens du village, et des travailleurs humanitaires. Tout ce dont est capable la «superpuissance» c’est de lancer des missiles tirés à partir de drones sans pilote sur des fermes, des huttes de boue, des écoles et des centres médicaux.
Les locataires schizophrènes de Washington ont fait des américains un peuple haï. Ceux qui ont la clairvoyance pour vouloir échapper à la tyrannie croissante savent aussi que partout où ils pourraient chercher refuge, ils seront considérés comme la vermine de la nation la plus détestée et susceptibles d’être des boucs émissaires et être pris pour des espions et des gens d’influence néfaste, et risquent d’être décimés en représailles contre la dernière atrocité de Washington.
Washington a détruit les perspectives des Américains, tant dans le pays qu’à l’étranger.
Paul Craig ROBERTS Ancien Secrétaire d’État américain adjoint au Trésor