les OVNI a la REUNION
Article de Manuel Wiroth, Dr en Histoire Contemporaine, auteur d’Ovnis sur la France, de la fin des années 1940 à nos jours.
Certains phénomènes associés au phénomène OVNI sont particulièrement fréquents à la Réunion. Ils revêtent parfois un haut indice d’étrangeté et une assez bonne consistance. Cette terminologie est développée par le GEIPAN. La structure publique définit le « niveau d’étrangeté » comme étant « la distance en termes d’informations entre le phénomène observé et l’ensemble des phénomènes aérospatiaux connus ». Quant à la « consistance », le bureau OVNI du CNES la caractérise par les informations fiables contenues dans les notifications d’observations. Ainsi, les facteurs de solidité d’un témoignage sont la présence de plusieurs témoins (indépendants), des photographies, des traces, des effets mesurables sur la végétation ou les êtres vivants, des enregistrements radar, des artefacts, etc. Cette catégorie d’événements ufologiques récurrents à la réunion correspond à ce qui est communément appelé « crash de rien ». Joël Mesnard, un des emblématiques directeur de la publication Lumières Dans La Nuit (LDLN), a largement popularisé cette expression. Elle désigne des phénomènes apparemment en perdition qui se crashent et dont on ne retrouve –officiellement- jamais rien. On trouve de nombreux cas relevant de cette catégorie dans les archives du GEIPAN, dans la base de donnée « baseOVNI France » et dans la presse quotidienne ou spécialisée.
L’un des premiers cas de ce genre est répertorié dans les archives en ligne du GEIPAN. Il s’agit d’un procès-verbal de gendarmerie qui résume le cas et s’accompagne des témoignages de quatre personnes[1]. D’après leurs déclarations, un objet se serait crashé dans l’océan, le 1er avril 1976 (les quatre personnes précisent qu’il ne s’agit pas d’un canular). Plusieurs témoins avisèrent la gendarmerie par téléphone de leur observation à partir de 17h30 le 1er avril, soit environ quelques minutes après les faits qui se déroulèrent aux alentours de 17h20. Selon les quatre témoignages, assez concordants, un objet aurait été vu en train de tomber en mer à une distance évaluée entre 2 et 4 km de la côte. Il n’avait pas de forme précise et fut évalué comme ayant la taille d’une barque de pêche et fut décrit comme étant de couleur noire. Avant de toucher l’eau, il laissait derrière lui une traînée blanche dans le ciel qui fut visible comme la traînée d’un avion pendant une dizaine de minutes. Il semble qu’il ait flotté entre dix et quinze minutes, dérivant ou se déplaçant lentement. L’eau bouillonnait autour de lui, l’objet dégageant ensuite une forte fumée noire, sans que des flammes ne fussent visibles. Les gendarmes menèrent leur enquête, contactant l’aéroport pour savoir si des aéronefs étaient en vol dans la zone à l’heure des faits. Ca n’était pas le cas. Il se rendirent également sur les lieux pour voir s’il subsistait encore des manifestations du phénomène, sans résultat. Ils rendirent également visite à l’un des témoins pour retracer les conditions de son observation. Le lendemain, des recherches furent effectuées sur le littoral, mais aucun débris ne fut retrouvé. Ces quatre témoignages sont confirmés par le journaliste et enquêteur ufologique Robert Roussel. Tout comme son confrère Jean-Claude Bourret, Robert Roussel eut un accès privilégié aux dossier de la gendarmerie nationale. Il confirme tous ces témoignages, mais rajoute des précisions sur la localisation de l’événement. Alors que le rapport de gendarmerie avait effacé tout élément permettant de localiser ou d’identifier les témoins, le journaliste donne lui des indications sur les lieux d’observations[2]. Il s’agissait de Saint Louis et de l’Etang-Salé.
La Réunion connut un peu plus tard un autre épisode de même nature. Près d’un an après, le 24 janvier 1977, trois personnes habitant Saint-Benoît, sur la côte Est de la Réunion, réalisèrent une observation. Il s’agissait d’un homme, de son épouse et de leur femme de ménage. Ce matin-là, vers 8h17, il faisait beau et le ciel était bien dégagé. Ils virent une « colonne blanche en forme de flèche » descendant jusqu’à la mer. Au point de contact entre l’océan et la colonne, il y avait une tâche blanche qui était visible et qui émettait selon les témoins de la vapeur à la manière d’un volcan. Cette vapeur semblait retomber sur l’objet. Les trois témoins n’ont pas assisté à une hypothétique chute d’objet mais ont interprété la scène ainsi. L’emplacement de la masse blanche fut évalué à 3 ou 4 km du rivage, donc à 7 ou 8 km du domicile des témoins. Pendant l’observation, le mari est parti immédiatement avertir la gendarmerie, estimant certainement qu’un aéronef s’était crashé ou avait fait un amerrissage d’urgence. Un procès-verbal fut établi et signé[3]. L’épouse continua son observation dont elle estime la durée à cinq minutes. Puis, la masse blanchâtre se mis peu à peu à disparaître. Curieusement, d’autres sources signalent un événement ayant eu lieu quelques jours auparavant et présentant bien d’autres points communs avec la notification ci-dessus[4]. Le 21 janvier 1977, une habitante de Saint-Gilles-les-hauts, sur la côte Ouest de l’île, aurait observé « un petit avion » qui se déplaçait à grande vitesse et se serait abîmé en mer. D’autres personnes auraient assisté à la scène. D’après le quotidien qui rapporta l’information, aucun avion n’aurait été signalé manquant.
Tous les événements ne sont pas restés inexpliqués : certains ont reçu des éclaircissements après coup, même si –comme toujours- ces explications restent des hypothèses. Le cas que nous allons évoquer ci-après possède des aspects très troublants, mais il semble avoir été finalement résolu. Ce cas a cependant toute sa place ici car il illustre l’action menée par la gendarmerie. Les faits se sont produits durant l’hiver austral à la Réunion et ont donné lieu à de nombreux témoignages. L’un d’entre eux à notamment été publié dans la revue LDLN.
Le 9 août 2006 au matin, une famille de ma connaissance qui était en vacances dans le cirque de Cilaos put observer une manifestation aérienne insolite. Nous désignerons les acteurs de cette observation par les initiales de leurs prénoms pour des raisons bien compréhensibles de confidentialité. La famille était composée du témoin principal, N., une femme, élève infirmière, de son mari, M., enseignant, et de leur jeune fils R. Tous trois, originaires de France métropolitaine, s’étaient installés un an auparavant. Ils recevaient durant ces vacances P., le père du mari et MG., la sœur du mari. Ce matin-là, vers 8h30 heures du matin, ils venaient de se réveiller dans leur location de vacances –chez Madame Dijoux- à côté de l’église de Cilaos. Le soleil commençait à se lever, encore masqué par le massif du Piton des Neiges. Il éclairait déjà complètement le rempart sud-ouest du cirque. On entendait les hélicoptères de ravitaillement volant au loin. Le temps était clair et la visibilité excellente. Il faisait très beau et la température était déjà d’environ 15°C.
Le petit-déjeuner terminé, la famille se préparait à partir en randonnée. N. regardait alors distraitement en direction du rempart sud-ouest du cirque de Cilaos, vers le lieu dit « la Fenêtre des Makes ». Elle observa alors ce qu’elle décrivit comme un losange argenté et scintillant –ou un morceau de « miroir brillant »- chutant ou fonçant à toute vitesse selon une trajectoire apparemment perpendiculaire à la ligne de crête[5]. Ce que l’ancien professeur de mathématiques et ufologues Joël Mesnard traduisit par une « trajectoire apparente [qui] était verticale », correspondant à une trajectoire réellement verticale ou alors par le fait que les « témoins se trouvaient dans le plan vertical la contenant [la trajectoire] ».
Le « losange » dégageait une fumée ou traînée blanche deux fois plus large que l’objet[6]. D’après leur témoignage reproduit dans LDLN;
« À bout de bras, cet objet faisait environ 5 mm de large. Il a disparu derrière la crête du cirque (côté sud-ouest), située à 7 km de notre appartement, vers le bourg extérieur au cirque des Makes. Cette distance à l’objet impliquerait une taille réelle d’environ 50 m de large, dans l’hypothèse où il serait tombé juste derrière la crête. Par contre, s’il était tombé sur le littoral –soit à 21 km-, sa largeur serait d’environ 150 m. Pour essayer de confirmer cette mesure considérable, j’ai croisé ces résultats avec ceux obtenus par une autre méthode. J’ai demandé à ma femme, mon père et ma sœur de m’indiquer la largeur approximative de la fumée par rapport à des repères visibles sur la crête. Ils m’indiquèrent que la traînée de l’objet avait à peu près la largeur d’une trouée dans la forêt, sur la crête. J’ai ensuite repéré deux pics sur le rempart, de part et d’autre de cette trouée forestière. J’ai établi la proportion entre cet espace déboisé et l’espace entre les deux pics. Puis j’ai fait de même sur la carte IGN au 1/100 000 de la Réunion. Après avoir repéré les deux pics et la distance les séparant, il était assez facile d’établir la largeur de cette trouée dans la forêt, et donc la largeur de la traînée et celle de l’objet. On trouve une valeur d’environ 120 m, donc sensiblement le même résultat (la largeur de la traînée étant estimée, rappelons-le, au double de celle de l’objet). Compte tenu d’une possible imprécision dans les estimations, la largeur de l’objet reste importante, avec quelques dizaines de mètres dans l’hypothèse d’un crash à l’endroit de la crête. Il faudrait tripler cette taille dans l’hypothèse d’un crash sur le littoral même. Il n’y a eu aucun son, aucune montée de fumée qui aurait pu indiquer un accident d’aéronef sur la terre ferme ».
Ce qui leur apparut considérable. La sœur et le père ne virent que ladite traînée. Quant au mari il ne vit que les restes de cette traînée qui était en train de s’évaporer décrivant des volutes.
Les membres de la famille furent très intrigués et craignirent immédiatement que l’observation corresponde à un aéronef en perdition[7]. M. proposa à sa femme de prévenir la gendarmerie pour qu’elle puisse porter secours aux occupants de l’aéronef. Très réservée, N. était réticente à l’idée de témoigner[8]. Elle avait peur d’avoir à subir les questions des gendarmes et se montrait très intimidée à cette idée. Finalement, les autres membres de la famille finirent par la convaincre et l’un d’entre eux appela la brigade de gendarmerie de Cilaos. A leur grande surprise, deux brigadiers arrivèrent un quart d’heure ou une demi-heure après[9]. Ils posèrent des questions à chacun isolément, en commençant par N. L’entretien dura quelques dizaines de minutes au cours desquelles les témoins demandèrent aux gendarmes ce qu’ils pensaient de cette affaire et si l’observation pouvait correspondre à un ovni. Ceux-ci leur répondirent que les brigades avaient reçu un certain nombre d’appels venant de différents endroits de l’île. L’affaire était considérée avec beaucoup de sérieux par les militaires qui interrogèrent d’ailleurs le voisinage immédiat de la famille.
Dans la soirée et le lendemain, en écoutant les informations télévisés, les cinq membres de la famille reçurent la confirmation qu’ils n’étaient pas les seuls à avoir assisté au phénomène et que ce dernier avait donné lieu à d’importantes recherches[10]. Les plans SATER et SAMAR furent ainsi déclenchés à la suite de quoi de gros moyens maritimes et terrestres furent mobilisés. L’explication finale retenue par des astronomes et relayée par la préfecture de la Réunion fut celle d’une rentrée atmosphérique correspondant à une météorite évaluée à une vingtaine de centimètres de diamètre, ce qui rendit M. assez sceptique compte tenu de la largeur de la trainée observée et donc de la taille évaluée par lui de l’objet[11]. Cette explication se fondait sur des témoignages ayant fait état de la chute d’une boule de feu.
M. exposa en cinq points les raisons de son scepticisme dans LDLN :
« 1) une météorite incandescente de 20 cm de diamètre peut-elle être vue, en journée, à 7 km de distance ? 2) Peut-elle générer une traînée d’au moins 100 m de large ? 3) Peut-elle prendre l’aspect d’un losange argenté d’au moins 20 m de large ? 4) Peut-elle dégager une fumée rigoureusement blanche ? 5) Enfin, si l’objet était tombé en mer, s’il était de grandes dimensions et si c’était une météorite, n’était-il pas en mesure de déclencher une onde de choc produisant une montée des eaux perceptible sur la côte ? ».
Au-delà des tailles de la traînée et de l’objet qui auraient pu être –selon M.- bien plus conséquentes, au-delà d’une éventuelle désinformation sur ce cas d’observation, cette affaire est intéressante par son traitement par les autorités militaires et civiles. La gendarmerie intervint très vite, en moins de 30 minutes, ce qui prouve l’importance accordée à l’événement. A la suite de ça, et probablement d’autres témoignages simultanés, des recherches d’envergure furent menées, sur terre et en mer : d’importants moyens humains et mécaniques furent déployés pour procéder à des fouilles dans la très dense et peu accessible forêt de la fenêtre des Makes[12]. Sur mer, de nombreux navires furent déployés pour essayer de retrouver les restes d’un éventuel crash non loin du littoral[13]. Tout cela eut certainement un coût très élevé, nécessaire pour le sauvetage d’hommes en difficulté et pour retrouver des restes matériels. On peut aussi envisager une autre hypothèse : certainement au courant assez vite qu’aucun aéronef n’était porté manquant, les autorités espéraient peut-être trouver autre chose…
[1] GEIPAN, rubrique int. : « Recherche de cas », procès-verbal de gendarmerie n° 273 concernant le cas de Saint-Paul du 1er avril 1976, mis à jour le 25 avril 2011, consulté le 25 mai 2018. URL : http://www.cnes-geipan.fr/fileadmin/geipan-doc/SAINT-PAUL__974__01.04.1976__T-M_PV_T_S_A__1976309229-273-1976-R.pdf
[2] ROUSSEL, Robert, O.V.N.I., la fin du secret, Belfond, 1978.
[3] GEIPAN, rubrique int. : « Recherche de cas », procès-verbal de gendarmerie n° 134 concernant le cas de Saint-Benoît du 24 janvier 1977, mis à jour le 4 août 2010, consulté le 25 mai 2018. URL : http://www.cnes-geipan.fr/fileadmin/geipan-doc/SAINT-BENOIT__974__24.01.1977__T-M_PV_T_S_A__1977309116-134-1977-R.pdf
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