Article publié par mis à jour le : 22 juin 2019
etLa Kabbale des Rêves par Spartakus FreeMann.
Ou l’utilisation des rêves dans la démarche kabbalistique.
« Quoique j’aie caché Ma Face à Israël, Je veux communiquer avec lui par des songes » (Khag. 5b).
Ce court travail se veut plus dossier à l’usage de ceux qui voudraient comprendre la place et l’utilisation des rêves dans les pratiques Kabbalistiques. Il n’est pas travail académique ou dogmatique, il se contente d’exposer des faits ou des idées et laisse ainsi la voie ouverte à ceux qui désireraient aller plus loin dans l’étude et la pratique de l’onirisme kabbalistique, branche ou élément autonome de la Kabbale prophétique.
Nous savons l’importance des rêves dans l’équilibre de notre vie. Celui qui ne rêve plus meurt, coupé sans doute de l’Autre Monde, le Souffle ne reste pas dans le sein de celui qui ne peut plus être en contact avec les Sphères supérieure. Nous savons également que tous les rêves ne sont pas des « lumières » transmises mais des digestions psychologiques des événements de la vie de tous les jours. Nous savons en outre que les rêves peuvent n’être que la conséquence d’une mauvaise alimentation ou de l’abus d’alcool. Nous ne discuterons ici que des rêves « prophétiques », les rêves qui induisent un changement dans notre vie et qui nous placent devant notre divinité, en contact avec la Divinité supérieure. Selon les sages rabbis, les sujets des rêves touchent l’âme humaine et, dans Berakhot 57b, on en parle comme une part de prophétie. Au travers des rêves, nous communiquons avec toutes les entités des autres mondes, qu’ils soient anges, démons, ou Dieu lui-même. Le rêve, selon les rabbis, est aussi une mise en contact de notre esprit avec notre Néshamah, inconscient.
Selon Zohar I, 183b, « rien ne se matérialise dans le monde qui n’ait été d’abord révélé à une personne dans un rêve » et Zohar I 251b, « les édits de la Cour Céleste sont d’abord montrés aux enfants de l’homme dans les rêves, ensuite après un court laps de temps, les choses arrivent ».
Un rêve peut nous révéler nos pensées intimes les plus secrètes et les plus refoulées, nos peurs, nos aspirations, nos désirs (voir Berakhot 55b). En un mot, le rêve est une arme, un élément de pouvoir que possède l’humain pour comprendre et appréhender la Création et son Créateur. Toujours selon le traité Berakhot 55b, il y a trois sortes de songes qui s’accomplissent : un songe matinal, un songe d’un ami qui nous concerne, un songe interprété au milieu même d’un songe.
Les messages de nos rêves possèdent leur propre langage et leur interprétation est une nécessité absolue comme cela nous est signalé dans Zohar I 183b, 199b : « un rêve qui n’est pas interprété est comme une lettre qui n’est pas lue, il se réalisera même si l’on n’en est pas conscient ». Le langage des rêves (et des visions) suit un système d’images qui a la capacité de nous frapper plus efficacement que n’importe quel autre langage. L’image se passe de mots pour communiquer avec nous et son message est plus rapidement appréhendé par notre esprit, et notre âme. Enfants n’avons-nous pas d’abord connu le monde par les images que par les mots ?
« Le Créateur nous a modelé afin que la part divine de notre âme puisse être d’une certaine manière détachée durant le sommeil de ses liens physiques. Les aspects supérieurs de l’âme sont élevés et séparés du corps. Un aspect de la part divine de l’âme reste avec la part inférieure de l’âme. Les aspects détachés se meuvent dans certains royaumes spirituels et sont impliqués là, soit avec des forces spirituelles qui se trouvent dans la nature, soit avec des anges ou des démons. Ils expérimentent ce qui leur est déterminé en ce royaume. Parfois, alors qu’ils se trouvent dans les sphères supérieures, ils peuvent transmettre des informations reçues à l’âme qui est restée en bas. Cela réveille l’imagination et cause des images mentales. Parfois l’information est vraie et parfois elle est fausse, selon la source de ces informations. L’information elle-même entre dans l’imagination et se mêle avec les autres pensées, désirs et phénomènes physiques qui en perturbent la transmission. D’autres fois, les informations parviennent clairement » (Rabbi Moshé Chaïm Luzzatto, La Voie de Dieu, III 1:6).
Selon le Talmud (Berakhot 55b), il y avait du temps du Second Temple, 24 interprètes des rêves qui en faisaient leur profession. Un jour Rabbi Binah’ah eut un rêve et il se rendit chez chacun des interprètes afin d’en connaître la signification. Les 24 interprètes donnèrent une signification différente. Cela pourrait signifier que les 24 interprétations étaient fausses, mais, toutefois, Rabbi Binah’ah relate ensuite que les 24 interprétations se réalisèrent toutes. Cela signifie donc le rêve s’est accompli en 24 modalités différentes dans la vie de Rabbi Binah’ah. Cela nous suggère ici que l’interprétation du rêve est toute aussi importante que le rêve lui-même et le Zohar I 183a nous met en garde : « on ne doit jamais raconter son rêve à n’importe qui si ce n’est à un ami proche ».
« Celui qui est capable de discerner le contenu de l’imagination est quelqu’un qui est libre des désirs physiques comme Joseph, qui conquit le désir pour les femmes, et Daniel qui conquit le désir pour la nourriture. Ils pouvaient interpréter les rêves. Cela parce que la racine de toutes pensées réside dans nos désirs. Les désirs provoquent l’imagination dans l’esprit. Quelqu’un absorbé par les pensées contrôlées par les désirs ne peut extraire l’essence de la vérité qui repose au sein de ces pensées » (Tzidkas HaTzaddik, Section Sept, Note 203).
Le Talmud, traité Berakhot est rempli d’instructions concernant les interprétations des rêves et le Rabbi Shelomo Almoli a écrit également un magnifique manuel d’interprétation des rêves, le Sefer Pitron Halamot.
Voici quelques exemples d’interprétations qui sont données par le Zohar :
– voir un chameau (gemal) dans un rêve est le signe que l’on a été condamné à mort mais que l’on a été épargné de la sentence (Zohar II, 236a).
– voir la lettre Teth signifie du bon dans l’avenir (Zohar II, 230a) car cette lettre est l’initiale du mot « tov », bon.
– voir du vin dans un rêve si l’on est Rabbi signifie « bon » (Zohar III, 14b), car l’étude de la Torah est comme le bon vin.
On peut se demander, en repensant à l’histoire de Rabbi Binah’ah, pourquoi les interprétations peuvent différer. En fait, puisque nous sommes dans le monde des archétypes, il est normal que ce que verra un Rabbi selon sa propre conception du monde différera de ce que verra un autre Rabbi. Les rêves sont donc individuels par leur interprétation, car un même archétype, ayant une base commune à tous, sera adapté de manière différente par la psyché de telle ou telle personne.
Un autre avertissement nous est donné par le Zohar (I, 150b) : « certains rêves sont vrais et d’autres sont des mensonges » qui fait suite à Berakhot 55a « il n’y a aucun rêve qui n’ait une part de mensonge en lui ». Ainsi, dans le message du rêve se glissent des éléments perturbateurs, des parasites qui doivent être analysés comme tels et rejetés lors de l’interprétation. De plus, il est certain que tous les rêves ne proviennent pas de source divine ou sainte. Il se peut en effet qu’ils soient la résurgence de pulsions enfouies et destructrices. L’univers des rêves est le royaume de l’inconscient et comme tel il est le domaine du bien ET du mal. « Lorsque l’âme d’un homme s’élève lorsqu’il dort, s’il est un pécheur alors son âme est rejetée dans le lieu des forces et puissances du mal, c’est pourquoi si l’on se voit dans un rêve dans un autre pays » (Zohar III, 222b).
Les rêves peuvent également être utilisés afin d’invoquer non des anges, mais des démons qui doivent répondre dans le domaine onirique aux questions posées par le pratiquant : « Les manières licites de pouvoir appeler chaque puissance maléfique ou une puissance satanique est d’invoquer son nom et ainsi qu’il te sera dit, c’est le vrai ; tu dois dire « Je te jure telle et telle Ammon de Non, le ministre de l’impureté, siégeant au côté gauche de Samaël, viens avec un arc recourbé dans ta main droite, et l’abomination de la croix dans ta main gauche, viens juste cette nuit, dans un rêve, ou ce jour dans un rêve et accomplis mon souhait en paroles ou sans paroles ». Ensuite, fais ton vœu. Et il viendra et se révélera à toi sous la forme d’un homme chevauchant un âne noir ou un âne blanc, dans ces deux formes il se révélera à toi » (cité dans Scholem « Le Maggid » p. 109). Il est interdit d’invoquer les démons dans la tradition juive et ici, par le biais du monde des rêves, la Kabbaliste ne transgresse aucun interdit. Il sort de la sphère temporelle et se transporte dans les sphères spirituelles où l’interdit ne semble pas jouer.