(Vision artistique du big-bang. © MARK GARLICK)
C’est une découverte fondamentale qu’ont dévoilée lundi les physiciens américains de l’expérience BICEP2, sans doute plus encore que la découverte du boson de Higgs. Alors qu’il y a à peine un an le satellite européen Planck livrait l’image la plus précise jamais réalisée du fond diffus cosmologique - le rayonnement fossile de la toute première lueur émise dans l’Univers, 380 000 ans après le big-bang -, ces derniers auraient réussi à déceler l’écho des toutes premières secousses qui ont agité l’Univers, des ondes gravitationnelles primordiales datant de moins d’une seconde après le big-bang ! Un bond de géant d’autant plus impressionnant qu’à cette époque les photons du fond diffus cosmologique n’étaient pas encore parvenus à s’échapper de la dense soupe cosmique primordiale, et que l’Univers était donc opaque, illisible...
Mais, alors, qu’ont bien pu voir ces chercheurs ? "Ce qu’ils ont observé, c’est la polarisation du fond diffus de l’Univers, autrement dit le fait que ce rayonnement fossile ne se comporte pas de manière aléatoire, mais a, au contraire, une direction privilégiée", explique Yannick Giraud-Héraud, directeur de recherche en cosmologie au CNRS. "Et c’est ensuite, d’après ce niveau de polarisation, qu’ils ont pu déduire les ondes gravitationnelles", ajoute-t-il. En gros, ils pensent avoir décelé les effets de ces ondes - qui ne sont pas autre chose que de petites déformations de l’espace-temps - sur les photons du fond diffus cosmologique", résume Radek Stompor, son collègue au laboratoire Astroparticule et cosmologie (APC) de l’université Paris-Diderot.
Toutefois, si ces ondes gravitationnelles peuvent être à l’origine de la polarisation du rayonnement fossile, les structures type galaxie que celui-ci rencontre sur son trajet, avant de nous parvenir, peuvent également le dévier et contribuer à cette polarisation. L’équipe du projet POLARBeaR, auquel collabore Radek Stompor, en a d’ailleurs apporté la confirmation la semaine dernière. C’est pourquoi, pour éliminer ces influences qui brouillent le signal, les auteurs de la découverte se sont appuyés sur les données réunies par le satellite Planck. "Ils ont soustrait ce bruit tel qu’il a été mesuré par Planck et ils ont vu que, après ça, il y avait encore quelque chose", explique Yannick Giraud-Héraud. D’où la nécessité, malgré un degré de fiabilité qualifié de "bon", de vérifier soigneusement l’ensemble des calculs. Ce que ne manquera pas de faire la communauté scientifique dans les toutes prochaines semaines.
Une phase d’expansion accélérée et violente
Mais, alors, qu’est-ce que ces traces d’ondes gravitationnelles primordiales peuvent bien nous apprendre ? Si la découverte se confirme, elle va permettre d’affiner considérablement le scénario du big-bang et peut-être, à terme, de comprendre comment notre Univers est né. D’ailleurs, elle confirme déjà ce que les théoriciens avaient imaginé, à savoir que le cosmos a connu, juste après le moment T du big-bang, une phase d’expansion extrêmement accélérée et violente que l’on appelle inflation. Autrement dit, alors que l’instant d’avant n’existait pas, ni le temps, ni l’espace, ni rien d’autre de connu, une sorte de minuscule boule de matière virtuelle et d’énergie, extrêmement concentrée et pas plus grande qu’une pièce d’un euro, s’est mise à enfler subitement d’une manière exponentielle, avant que son expansion ne ralentisse. Or, cette toute première phase, dont il existe actuellement des dizaines de modèles, aurait très largement façonné notre Univers.
La découverte devrait donc, au minimum, permettre de faire un peu de tri. Car les mesures fournies par BICEP2 semblent déjà contredire le modèle d’inflation le plus communément admis... De plus, le phénomène devrait pouvoir être étudié du point de vue tant de la relativité générale - qui s’applique à l’infiniment grand - que de la physique quantique - qui s’applique à l’infiniment petit. Ce qui pourrait permettre d’éventuels rapprochements entre deux théories que les scientifiques ne parviennent absolument pas à relier. "Si tout cela se confirme - et on devrait y voir plus clair dès que la mission Planck aura pu confronter ce résultat avec ses propres données -, cela ouvre un champ d’investigation exceptionnel", conclut Yannick Giraud-Héraud.
(18-03-2014 - Par Chloé Durand-Parenti )
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