des jouets et des chaussures d’enfants alignés. Un hommage aux petits êtres disparus et dont des restes ont été découverts au cours des derniers mois
Les écoles industrielles, précurseurs des
pensionnats pour Autochtones
À Alderville, à l'est de Toronto, des chercheurs fouillent bénévolement le terrain d'une école autochtone encore plus ancienne que le système de pensionnats.
Bien que le système fédéral imposé des pensionnats pour Autochtones ait commencé en 1883, ses origines remontent bien avant la Confédération de 1867. Les écoles industrielles sur une base volontaire en sont les prémisses. Un modèle déjà voué à l’échec, mais qui persistera jusqu’à donner naissance à tout un système d’assimilation orchestré et géré par l’Église et par l'État.
C’est devant la petite église de la communauté que l’on retrouve le chef Dave Mowat. Sur les marches du bâtiment, des jouets et des chaussures d’enfants alignés. Un hommage aux petits êtres disparus et dont des restes ont été découverts au cours des derniers mois, de Kamloops à Marieval.
Derrière nous, il y a les bureaux de son conseil de bande.
Avant que ces bâtiments ne soient dédiés aux affaires administratives de la communauté, il y avait ici une école industrielle, un avant-goût des pensionnats pour Autochtones. Cette école a été financée avec la participation des Ojibwés de Mississauga eux-mêmes
, nous raconte Dave Mowat.
Le chef est aussi historien. Il connaît du bout des doigts l'histoire de sa communauté faite de promesses brisées, d’espoirs et de trahisons.
Avant la Confédération, il y avait déjà un programme d’assimilation en place, mais qui visait davantage à transformer notre peuple en agriculteurs et en fermiers
, indique-t-il.
Car dès le début des années 1600 et jusqu’à la mise en place législative et imposée des pensionnats, les ordres religieux dirigeaient déjà des écoles spécifiques pour les enfants autochtones.
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Les écoles industrielles
Le rapport de la Commission Bagot, présenté à l’Assemblée législative en 1844, propose déjà de séparer les enfants autochtones de leurs parents. Il affirme alors qu'il s'agit de la meilleure façon de les assimiler à la culture euro-canadienne.
Pour faire avancer ce programme d’assimilation, un nom bien connu fait son entrée, Egerton Ryerson. En 1847, il est surintendant en chef de l’Éducation du Haut-Canada (aujourd'hui l'Ontario) et suggère une méthode pour établir et diriger des écoles industrielles. Leur but devait être de donner une éducation en anglais simple et adaptée au fermier agricole et au mécanicien
.
Pour atteindre cet objectif, Ryerson estime qu’il faut que les enfants vivent ensemble et reçoivent une éducation domestique et religieuse.
L’idée était de créer des écoles combinant la formation de la main-d'œuvre et la religion avec ces écoles industrielles. C’est tout le système ayant mené au processus et à la création des pensionnats que nous connaissons aujourd’hui et dont nous avons appris davantage de détails par le biais de la Commission vérité et réconciliation.
Après la publication du rapport de Ryerson, deux écoles industrielles sont créées, l’une à Muncey, l'école Mount Elgin, en 1851 et l’autre, Alnwick, à Alderville, en 1848.
Le soutien financier des Ojibwés de Mississauga
Le travail missionnaire était bien ancré. Au moment où l’école industrielle a été construite, c’était donc pour que les garçons apprennent le travail manuel et l’agriculture et que les filles apprennent les travaux domestiques
, décrit Dave Mowat.
Les leaders autochtones soutiennent la démarche, car cela permettait de faire des affaires avec le gouvernement britannique
, indique la professeure en études sociologiques et anthropologiques à l’Université d’Ottawa, Hope MacLean.
Les Premières Nations commencent donc à emmener leurs enfants à l’école industrielle d'Alderville, ils se portent même volontaires pour aider à la financer. Ils conviennent alors qu’ils vont transférer 25 % de leur rente annuelle.
Ils avaient tous un intérêt dans cette école. Leur intention était que leurs enfants soient sur un pied d’égalité avec les Blancs qui les entouraient, avec les colons. L’idée était aussi de ne pas se faire berner, en apprenant les maths, à exploiter une ferme, lire, écrire. Il n’y avait aucune volonté d’être assimilés, de perdre sa langue, rien de tel.
Tout cela se passe durant les années 1850, une période importante au cours de laquelle les Premières Nations tentent de garder une maîtrise sur un système colonial qui les envahit.
Mais dès 1858, une commission nommée pour enquêter sur les affaires indiennes au Canada conclut déjà que ces deux écoles n’ont pas atteint les objectifs, notamment en raison d’une faible assiduité, de préjugés des parents contre l’école et d’un manque de fonds pour établir les finissants de l’école sur le terrain
.
En un mot, c’est un échec.
Des chefs ojibwés, également missionnaires méthodistes, comme John Sunday et Peter Jones, ont été impliqués dans le processus de création des écoles industrielles. Mais ils ont rapidement vu les échecs et quand ils ont réalisé que la langue était ciblée, ils ont compris que l’intention sous-jacente était de soustraire l’enfant à l’influence de ses parents
, dit-il.
Les propos de Sir John A. Macdonald et sa volonté de tuer l’Indien dans l’enfant
leur donneront raison à peine quelques décennies plus tard.
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Même le gouvernement britannique écrivait que c’était un échec
, souligne Mme MacLean. L’école n’est plus soutenue par les Autochtones, ni par les missionnaires méthodistes, ni par le gouvernement britannique.
Ma question a toujours été : pourquoi, au vu de cette expérience négative, c'est devenu un modèle d’éducation qui a prévalu après la Confédération?
Les enfants s’enfuyaient, les parents venaient les chercher et il y a eu une épidémie de typhus au milieu des années 1850
, raconte Dave Mowat.
Cette épidémie cause la mort d’un enseignant et d’au moins deux élèves. Des questions sur la salubrité de l’école ont commencé à être soulevées
, détaille Mme MacLean.
Les Ojibwés cessent de financer l’école industrielle d'Alderville en 1861. Elle fermera ses portes pour devenir par la suite une école de jour fédérale.
Mis à part des rapports sur la quantité de maïs cultivé, le nombre de porcs et de vaches en élevage et divers travaux manuels, il est difficile de trouver des rapports faisant état de la vie dans cette école.
De volontaire à obligatoire
L’école industrielle d'Alderville était fréquentée de façon volontaire, c’est très important à retenir si l’on veut comprendre le changement survenu après la Confédération, lorsque les outils législatifs ont été mis en place pour imposer l’éducation aux Premières Nations
, estime le chef Mowat.
Le 1er juillet 1883, sur la base des recommandations du rapport Davin, Sir John A. Macdonald autorise la création du système des pensionnats, conçu pour isoler les enfants autochtones de leurs familles et couper tout lien avec leur culture.
C’est une modification à la Loi sur les Indiens en 1894 qui rend obligatoire leur fréquentation. Les enfants sont alors arrachés à leur famille et leur culture. On estime que plus de 150 000 enfants autochtones ont ainsi été forcés de fréquenter des écoles gérées par l’Église et financées par le gouvernement entre 1870 et 1997.
Des fouilles derrière l'église
La mort des enfants et de l'enseignant lors de l'épidémie de typhus soulève encore des questions chez Dave Mowat.
Où ont-ils été enterrés?
, se questionne-t-il.
Selon ses recherches, certains documents indiquent que cela pourrait être derrière l'église. Et pour autant que je sache, le cimetière d'Alderville d’aujourd’hui n’a commencé à être utilisé que dans les années 1890, alors où était-ce, avant?
Toutes ces incertitudes, en plus de la découverte de restes à Kamloops, de celles qui ont suivi et de celles qui se font attendre, l’ont poussé à demander l’aide d’une équipe de chercheurs de l’Université Queen’s de Kingston. Ils utilisent une technologie de radar à pénétration de sol (GPR) à la recherche d’anomalies. C’est cette technique qui a été utilisée à Kamloops.
Vous ne verrez pas des squelettes… mais juste s’il y a des anomalies, ce qui peut ensuite pousser à davantage de fouilles, plus précises
, précise le chef Mowat.
L'Ontario a beau avoir débloqué 10 millions de dollars pour les fouilles sur d’anciens sites de pensionnats, la communauté d'Alderville ne comptait pas dans les recherches, puisqu’il s’agit d’une école industrielle et non d’un pensionnat.
Mais l’équipe de chercheurs offre ce service bénévolement.
Le chef attend toujours de recevoir les données complètes, mais il a déjà reçu quelques informations qui l’ont laissé perplexe. Un ensemble de données montrent une fondation de bâtiment à environ 50 pieds [15 mètres] derrière l’église. C’était à un mètre de profondeur et maintenant nous attendons les données pour 2 mètres de profondeur
.
Il espère que la découverte ne signifiera pas un autre deuil pour sa communauté, mais veut avant tout que la vérité soit révélée.
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