IMMUNITÉ ET COVID-19
Immunité et Covid-19 : peut-on être infecté deux fois ?
Dr Idris AmrouchePharmacien, médecin DES en cours d'obtention (anesthésie-réanimation)
Depuis le début de l'épidémie, des études ont rapporté que plusieurs personnes guéries de l'infection Covid-19 ont pourtant été testées positives une deuxième fois au coronavirus Sars-CoV-2. Bon nombre de chercheurs s’interrogent sur la réponse immunitaire à cette infection. Est-il vraiment possible de contracter deux fois le virus ? Combien de temps est-on immunisé ? On fait le point.
Sommaire
- Peut-on être réinfecté par le coronavirus ?
- Coronavirus : les cas de réinfection dans le monde
- Réinfection de Covid-19 : les pistes étudiées
- Covid-19 : comment marchent les anticorps ?
- Une immunité plus forte chez certains patients
- Combien de temps dure l'immunité ?
- L'immunité croisée, un espoir face à la pandémie ?
- Doit-on se faire vacciner si l'on a déjà eu le Covid-19 ?
Le monde fait face à une pandémie et la plupart des pays sont touchés. Les scientifiques apprennent chaque jour de ce nouveau virus SARS-CoV-2. Plusieurs questions se posent. Parmi elles, est-ce possible de contracter le virus du Covid-19 plusieurs fois ? Dans de nombreux Etats, des cas de réinfection sont avérés.
Peut-on être réinfecté par le coronavirus ?
Un phénomène possible mais exceptionnel. Voici ce que l'Inserm déclare dans un communiqué paru le 27 octobre. "En l’état actuel des connaissances, la plupart des scientifiques s’accordent pour dire que le phénomène de réinfection demeure rare". "Les données disponibles sur le sujet restent encore parcellaires et le nombre de cas documentés avec suffisamment de rigueur très limité", note l'Inserm, ajoutant que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour en savoir plus sur les caractéristiques immunologiques et génétiques communes "qui pourraient exister entre les patients réinfectés".
L'Inserm cite une étude publiée au printemps 2020 dans Nature Review Immunology menée sur des animaux. En les réinfectant après une première exposition au Covid-19, ils ne développaient pas de symptômes de la maladie. On ne constatait pas non plus de signe de réplication du virus dans les prélèvements nasopharyngés. "Les conclusions de cette étude étaient donc prudemment optimistes, suggérant un certain degré d’immunisation contre le virus après une première infection".
L'Institut relève également le cas d'un patient de 82 ans admis à l'hôpital en avril pour une réinfection potentielle. Les informations à son sujet ont été publiées dans l'American Journal of Emergency Medicine. "Après 28 jours en soins intensifs, celui-ci avait pu réintégrer son domicile à l’issue de deux tests PCR négatifs. Dix jours plus tard, l’émergence de nouveaux symptômes l’obligeait à se diriger vers les services hospitaliers". Mais les chercheurs n'ont pas pu confirmer une réinfection. Des traces du virus ont pu subsister dans son organisme, et les résultats des tests PCR indiquer de faux négatifs.
Réinfection : plus fréquente chez les plus de 65 ans
Selon une étude menée par des chercheurs danois et publiée le 17 mars dans la revue The Lancet, les cas de réinfection seraient néanmoins plus fréquents chez les personnes âgées de plus de 65 ans. Pour parvenir à ce constat, les chercheurs ont analysé plus de 10 millions de tests PCR réalisés par environ 4 millions de personnes entre le 1er septembre et le 31 décembre 2020. Ils se sont concentrés sur celles qui avaient des tests positifs à deux reprises, à au moins trois mois d'intervalle. Ils ont ainsi conclu que chez les patients de plus de 65 ans ayant déjà été touchés par le Covid-19, la protection contre une réinfection dans les 6 mois était de 47%. Chez les moins de 65 ans, elle était d'environ 83%.
Selon les auteurs de l'étude, ces résultats pourraient aider à "promouvoir la vaccination des individus ayant déjà été infectés, parce que l'on ne peut pas se fier à la protection naturelle, surtout chez les personnes âgées".
Coronavirus : les cas de réinfection dans le monde
Un jeune de 19 ans contaminé trois fois ?
Trois fois positif au Covid-19 en près d'un an. C'est ce qui serait arrivé à un jeune de 19 ans habitant près de Tarbes dans les Hautes Pyrénées selon France 3. Les deux premières infections auraient été quasiment sans symptômes, mais la troisième fois serait plus virulente et l'individu serait aujourd'hui selon ses proches "pas en grande forme" et "pas en état de témoigner". Il souffre de perte de goût de courbatures, de violents maux de tête et de forte fièvre.
La première infection remonte à juin 2020, et est un covid supposé par le patient mais n'a pas fait l'objet d'une analyse médicale. Les deux autres infections en octobre 2020 et en mai 2021 ont été vérifiées et validées par des tests covid PCR positifs.
Plusieurs hypothèses existent pour expliquer ce phénomène : "Cela semble très inhabituel, mais trois PCR positives ne suffisent pas à dire s’il s’agit d’une, de deux ou de trois infections. La seule façon de le prouver serait de faire un séquençage des prélèvements afin de comparer les souches entre elles" estime Benjamin Davido, infectiologue, au Parisien. Avec la survenue des variants, le risque d'être réinfecté est accentué notamment avec le sud-africain. Par ailleurs, il serait possible d'être positif à deux reprises à quelques mois d'écart sans avoir été réinfecté entre-temps. Le test PCR, parfois très sensible, pourrait détecter la deuxième fois l'ARN du virus parce que la personne en aurait encore gardé un peu. Dans ce cas la personne n'est généralement pas ou très peu contagieuse.
Un premier homme infecté 2 fois à Hong-Kong
À Hong Kong, un homme de 33 ans présentant les symptômes caractéristiques de la maladie a été testé positif le 26 mars dernier, puis négatif à deux reprises quelques temps après. Le 15 août, le patient revient d'Espagne et est à nouveau positif au test à l'aéroport de Hong Kong, alors qu'il n'a aucun signe apparent. "Ce cas montre qu’une réinfection peut survenir quelques mois seulement après avoir été guéri d’une première infection", peut-on lire dans un communiqué du département de microbiologie de l’Université de Hong Kong (HKU).
Selon les scientifiques, le patient a été infecté par deux souches différentes du virus SARS-CoV-2. "Cela prouve qu’il s’agit d’une nouvelle infection plus que d’un portage prolongé du virus", a expliqué Kelvin Kai-Wang To. "Puisque l’immunité peut ne pas durer longtemps après une infection, la vaccination devrait être envisagée même pour des gens qui ont déjà été infectés", estiment les auteurs.
Pour autant, malgré l'assurance de ces chercheurs, il n'est pas possible de tirer des conclusions, préviennent d'autres spécialistes. "Vu le nombre d'infections dans le monde, voir un cas de réinfection n'est pas si surprenant", a déclaré le chercheur britannique Jeffrey Barrett, cité par Science Media Centre.
Les travaux ont été acceptés le 25 août par la revue scientifique américaine Clinical Infectious Diseases.
5ème cas de réinfection au Covid-19 chez un Américain
Depuis l'homme infecté une seconde fois à Hong-Kong en août, des cas ont été signalés dans d'autres pays : en Belgique, un autre au Pays-Bas et un 3ème en Equateur. Certains malades étant asymptomatiques, il peut y en avoir eu davantage mais qui n'ont pas été recensés. Une étude publiée le 13 octobre dans The Lancet Infectious Diseases fait état d'un 5ème cas de réinfection. Il s'agit d'un Américain qui a attrapé le Covid-19 une nouvelle fois, un mois et demi après sa première infection.
Pour ce patient américain, tout comme l'Equatorien, la deuxième infection était plus sévère que la première. L'homme de 25 ans, vivant dans le Nevada, a été testé positif le 18 avril pour la première fois. Il présentait quelques symptômes légers : maux de gorge et de tête, toux, diarrhée et nausées. Après une mise à l'isolement et du repos, il est testé négatif à deux reprises. Or, le 5 juin, il est de nouveau testé positif, et son état nécessite une admission aux urgences, notamment à cause de difficultés respiratoires. Il s'est depuis rétabli. Les chercheurs ont pu établir grâce à une analyse génétique que ces infections ont été causées par deux souches différentes au SARS-CoV-2.
Réinfection de Covid-19 : les pistes étudiées
Des traces de virus pas complètement éliminées
Selon certains chercheurs, il ne s’agirait pas d’une réinfection, mais plutôt de traces de virus pas complètement éliminées. Interviewé par le New York Times, Florian Krammer, virologiste à l’Icahn School of Medicine at Mount Sinai à New York, explique : "Je ne dis pas que la réinfection est impossible mais dans ce court laps de temps, c’est peu probable. Même les formes d’infection les plus légères doivent laisser au moins une immunité à court terme contre le virus chez le patient en convalescence".
Une vision partagée par Anne-Marie Moulin, chercheuse au laboratoire SPHERE du CNRS, qui explique à Doctissimo que "cela ne prouve pas que les anticorps protègeront d’une deuxième attaque mais suggère qu’ils jouent un rôle dans l’évolution favorable de l’infection".
D’autres scientifiques évoquent la possibilité d’une infection biphasique : un virus qui persisterait sous forme latente dans l’organisme et qui pourrait devenir plus symptomatique quand les poumons sont atteints.
Une récente recherche chinoise publiée dans The Lancet a par ailleurs montré que la durée moyenne de l'excrétion virale, définie comme l'expulsion des particules virales du corps, était de 20 jours chez des survivants de l'infection à CoVid-19. Chez les 54 personnes décédées étudiées, le virus était détectable du début de la maladie jusqu'à leur mort.
Des tests diagnostiques peu fiables
De son côté, le virologiste Jin Dong-yan, interviewé par South China Morning Post, n'exclut pas la possibilité d’une erreur diagnostique. "Ce n’est pas une deuxième infection ou une infection persistante, comme certains pourraient penser. C’est soit parce que les patients expérimentaient une longue évolution de la maladie, soit parce que les tests diagnostiques n’étaient pas faits correctement".
Le test diagnostique du Sars-Cov-2 consiste en un prélèvement microbiologique dans les voies respiratoires hautes et basses (nez et bronches). Ce prélèvement est ensuite envoyé pour analyse dans un laboratoire. En Chine, les patients sont considérés comme guéris lorsque deux autres tests diagnostiques sont réalisés et que les résultats sont négatifs. Mais les échantillons prélevés peuvent être stockés à une température qui détériore le virus. Ou encore, la zone prélevée peut ne pas être touchée par le virus qui se trouve ailleurs dans le corps, ce qui fausse là aussi le test.
"Un test est considéré positif si le virus se trouve sur l’écouvillon en quantité suffisante au moment où le prélèvement est réalisé, précise en effet l’épidémiologiste Marc Lipsitch. Un test négatif ne signifie pas forcément que le virus n’est plus présent". Interviewé par Doctissimo, Olivier Schwartz, directeur de l’Unité Virus et immunité de l’institut Pasteur, ajoute : "Le plus probable est que la charge virale avait baissé jusqu'à être sous le seuil de détection du test, puis a remonté ensuite".
Covid-19 : comment marchent les anticorps ?
Dans une étude parue le 20 avril 2021 dans la revue Cell Reports Medicine, des équipes de l’Institut Pasteur, du CNRS et du Vaccine Research Institute (VRI, Inserm/université Paris Est Créteil) ont cherché à en savoir plus sur la production d'anticorps des personnes infectées par le virus du Covid-19, de manière symptomatique ou asymptomatique. Ils ont pu montrer que chez tous les individus, l'infection induit des anticorps que l'on appelle polyfonctionnels : ils possèdent "une activité neutralisante" mais sont aussi "capables d’activer d’autres mécanismes de défense tels que les cellules tueuses NK (Natural Killer) ou les molécules du complément", peut-on lire dans un communiqué de l'Institut Pasteur. Les chercheurs précisent que les niveaux d'anticorps sont "légèrement plus faibles" chez les personnes asymptomatiques.
"Cette étude a permis de montrer que les individus infectés par le SARS-CoV-2 possèdent des anticorps capables d’attaquer le virus de différentes manières, en l’empêchant d’entrer dans les cellules (neutralisation) ou en tuant les cellules infectées grâce à l’activation des cellules NK (via la fonction ADCC : cytotoxicité dépendante des anticorps ou antibody-dependent cellular cytotoxicity). On parle donc d’anticorps polyfonctionnels", explique Timothée Bruel, co-auteur principal de l’étude et chercheur au sein de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur et au VRI.
Olivier Schwartz ajoute que cette étude "révèle de nouveaux modes d’action des anticorps et suggère que la protection induite par une infection asymptomatique est très proche de celle observée après une infection symptomatique".
Une immunité plus forte chez certains patients
Dans un communiqué paru le 24 avril2, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) explique que "la plupart des résultats montrent que les personnes guéries ont des anticorps contre le virus. Cependant, certaines d'entre elles ont des anticorps neutralisants à des niveaux très bas dans leur sang, ce qui suggère que l'immunité cellulaire puisse avoir un rôle déterminant dans la guérison."
"Les données disponibles suggèrent qu’une forme d’immunité, même partielle, se met en place suite à un premier contact avec le virus. Reste à déterminer combien de temps une telle protection peut durer et quel est son degré d’efficacité à long terme" informe l'Inserm le 27 octobre.
Une étude de l'Institut Pasteur révèle que seuls 26% des élèves, de leurs familles et des enseignants d'un lycée de Crépy-en-Valois (Oise), l'un des clusters de la pandémie, ont été infectés par le SARS-CoV-2 et possèdent des anticorps contre ce virus. Ce qui suggère que l'immunité collective, principe selon lequel la propagation d'une maladie s'arrête si un certain pourcentage de la population est immunisée après une infection naturelle ou grâce à la vaccination, "ne s'établira pas rapidement" si ces anticorps sont véritablement neutralisants, affirme Arnaud Fontanet, premier auteur et responsable de l’unité Epidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur.
Combien de temps dure l'immunité ?
Une immunité courte suspectée au début de l'épidémie
Au début de l'épidémie, les premières études observaient une période d'immunité assez courte.
Une étude de l'Institut Pasteur publiée en mai 2020 apportait des éléments plutôt positifs. Menée auprès de 160 soignants exerçant aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et touchés par une forme mineure de la maladie, elle révèle que “près de la totalité des malades ont développé des anticorps dans les 15 jours suivant le début de l’infection”, et surtout, “chez 98% d’entre eux, des anticorps neutralisants ont été détectés après 28 jours”. “Notre travail montre que les niveaux d’anticorps sont, dans la plupart des cas, compatibles avec une protection contre une nouvelle infection par SRAS-CoV-2, au moins jusqu’à 40 jours après le début des signes. L’objectif maintenant est d'évaluer sur le long terme la persistance de la réponse anticorps et sa capacité de neutralisation associée chez ces personnels soignants”, expliquent Timothée Bruel et Olivier Schwartz, respectivement chercheur et responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur.
D'après des recherches menées à l'Université de Montréal, la quantité d'anticorps capables de neutraliser le virus diminuerait après 6 semaines. C'est du moins ce que les scientifiques ont observé chez 100% des malades étudiés. "Est-ce que les personnes qui ont développé des anticorps neutralisants seront protégées d’une réinfection ? Nous ne le savons pas encore, avoue Andrés Finzi, qui a dirigé les expériences. En cas de réinfection, on peut supposer que les lymphocytes B dits à mémoire seront rapidement activés pour produire les anticorps neutralisants du virus."
Une autre information chinoise, publiée le 18 juin dans Nature Medicine, rapportait à son tour que les anticorps sont en forte baisse deux mois après la guérison, d'autant plus si les patients ne présentaient pas de symptômes.
Entre 6 et 8 mois d'après certains scientifiques
Mais une étude vient quant à elle se positionner en faveur d'une immunité prolongée. Elle a été publiée dans la revue Science le 28 octobre 2020. "Alors que certains rapports ont été publiés disant que les anticorps contre ce virus disparaissent rapidement, nous avons constaté exactement le contraire - que plus de 90% des personnes légèrement ou modérément malades produisent une réponse anticorps suffisamment forte pour neutraliser le virus, et le la réponse est maintenue pendant plusieurs mois", a expliqué le pr Florian Krammer, auteur principal de l'étude dans un communiqué. En effet, les chercheurs ont analysé la réponse immunitaire de 30 000 personnes suivies à l'hôpital Mount Sinaï entre les mois de mars et d'octobre. Ils ont mesuré leurs taux d'anticorps et les ont classés en trois catégories : faibles, moyens et élevés. Résultats, chez 90% des patients ils étaient moyens à élevés. Ils se sont ensuite penché particulièrement sur 121 patients ayant fait un don de plasma, et ont mesurer leurs anticorps 3 mois après le développement des symptômes puis une nouvelle fois au bout de 5 mois. Bilan, certains anticorps avaient en effet disparu mais d'autres subsistaient. Les chercheurs avancent que le système immunitaire des personnes infectées produit des anticorps en nombre, "certains sont écrasants au début et meurent rapidement, tandis que d'autres se construisent plus lentement", comme le résume CNN.
Les résultats de travaux menés par une étude de l'université britannique d'Oxford penche en faveur d'une immunité de six mois. Leurs recherches, qui n'ont pas encore été évaluées par les pairs, se fondent sur une étude menée entre avril et novembre 2020 auprès de 12 180 soignants employés dans les hôpitaux universitaires d'Oxford. Les soignants ont été régulièrement testés pour déterminer s'ils avaient des anticorps et s'ils avaient le Covid-19. "Cette étude toujours en cours impliquant une large cohorte de soignants a montré qu'une infection par le Covid-19 offre une protection contre une réinfection pour la plupart des gens pendant au moins six mois", a déclaré dans un communiqué l'un des auteurs, le professeur David Eyre du département Nuffield de santé de la population de l'Université d'Oxford.
"Nous n'avons trouvé aucune nouvelle infection symptomatique chez les participants qui avaient été testés positifs aux anticorps, tandis que 89 de ceux qui avaient été testés négatifs (aux anticorps) ont contracté le virus", avec des symptômes, a-t-il précisé. "C'est une très bonne nouvelle, car nous pouvons être sûrs que, du moins sur le court terme, la plupart des personnes qui contractent le Covid-19, ne l'auront plus", a-t-il commenté. "Les niveaux d'anticorps diminuent avec le temps, mais cette dernière étude montre qu'il existe une certaine immunité chez ceux qui ont été infectés", a-t-il dit. Au total, 1.246 soignants étaient positifs aux anticorps mais aucun n'a développé de nouvelle infection au Covid-19 accompagnée de symptômes. Trois soignants avec des anticorps ont été testés positifs au Covid-19 mais étaient tous en bonne santé et n'ont pas présenté de symptômes. A titre de comparaison, 76 employés sans anticorps ont été testés positifs au virus.
Les chercheurs vont poursuivre leur étude sur la cohorte de soignants afin de voir "combien de temps dure la protection et si une infection antérieure affecte la gravité de l'infection si les gens sont à nouveau infectés", a expliqué M. Eyre.
Nouvelle étude, nouvelles données. Ce ne serait pas six mois d'immunité, mais huit, selon des travaux de LA Jolla Insititute for Immunology aux Etats-Unis. Ils ont étudié des échantillons sanguins prélevés sur 188 patients infectés par le SARS-CoV-2. "Nous avons dosé les anticorps, les lymphocytes B à mémoire [qui ont pour rôle de mémoriser les propriétés des agents pathogènes], les lymphocytes T et les lymphocytes T cytotoxiques", détaille le Pr. Shane Crotty, co-auteur de la recherche publiée le 6 janvier 2021 dans Science. Résultat : "Pendant au moins 8 mois, des anticorps spécifiques contre le virus Sars-Cov-2 circulent dans le sang des patients, mais pas seulement : le corps "garde en mémoire" le virus grâce aux lymphocytes B à mémoire". Si le niveau d'anticorps baisse après cette période d'immunité, ce n'est pas étonnant, indiquent les auteurs. "C'est comme ça que fonctionne la réponse immunitaire de l'organisme : lorsque l'agent pathogène a été vaincu, le nombre d'anticorps diminue mais le corps "se souvient" de la maladie et est prêt à riposter rapidement si celle-ci revient."
Une autre étude, parue le 11 mai 2021 dans la revue Nature Communications, montre que les anticorps neutralisant le SARS-CoV-2 peuvent persister jusqu'à 8 mois après l'infection. Et ce, "indépendamment de la gravité de la maladie, de l'âge des patients ou de la présence d'autres pathologies", assurent les auteurs. Menée auprès de 162 patients positifs au Covid-19 qui se sont présentés aux urgences de l'hôpital San Raffaele en Italie pendant la première vague de l'épidémie, l'étude révèle que 67,3% d'entre eux ont développé "rapidement des anticorps neutralisants dans les deux semaines suivant le début des symptômes", et ceux-là, bien qu'ils diminuent avec le temps, "ont persisté jusqu'à 36 semaines chez tous les patients sauf trois". Les chercheurs ajoutent que la présence précoce de ces anticorps est "fondamentale pour combattre l'infection avec succès : ceux qui ne réussissent pas à les produire dans les premiers quinze jours après la contagion risquent davantage de développer des formes graves de Covid-19".
Les femmes plus longtemps immunisées que les hommes ?
Et en effet, selon une étude parue le 7 mars 2021 dans The Journal of Infectious Diseases, le sexe serait également une composante de l'immunité anti-Covid. Après avoir suivi pendant six mois 308 personnes ayant présenté une forme légère de Covid-19, des chercheurs de l'Inserm, de l'Institut Pasteur et du CHU de Strasbourg ont pu observer que "les femmes avaient une protection immunitaire plus performante que celle des hommes", rapporte un communiqué de l'Inserm.
"Immédiatement après l’infection, le taux d’anticorps anti-Covid-19 est en moyenne inférieur chez les femmes. Mais avec le temps, il suit un déclin qui est généralement moins prononcé chez elles que chez les hommes, quel que soit leur âge ou leur poids", explique Samira Fafi-Kremer, qui a dirigé ce travail en collaboration avec l’équipe d’Olivier Schwartz. Les chercheurs notent également que les patients "avec des anticorps relativement stables dans le temps" étaient plus souvent des femmes, et ceux chez qui les anticorps se raréfiaient progressivement étaient "majoritairement masculin[s]".
Mais comment expliquer ces différences ? Des mécanismes "à la fois hormonaux, environnementaux (notamment via l’épigénétique) et génétique" pourraient être impliqués. "On sait par exemple que les femmes ont d’une façon générale une réponse humorale et cellulaire plus robuste que les hommes, que ce soit face à d’autres maladies infectieuses ou en réponse à une vaccination, rappelle la chercheuse. Le versant délétère de cette plus large réactivité est que les femmes sont plus souvent sujettes aux maladies auto-immunes. Une grande partie des gènes de l’immunité se situe sur le chromosome sexuel X, présent en deux exemplaires chez les femmes, contre un seul chez les hommes. L’expression des gènes présents sur ce second chromosome est majoritairement réprimée, mais entre 15 et 30 % de ces gènes peuvent échapper à cette inactivation."
L'Inserm note que ces résultats devront être confirmés par le suivi de la cohorte à plus long terme. "Nous pourrons aussi déterminer le taux d’incidence des réinfections. Cela nous permettra d’évaluer dans quelle mesure la réponse humorale à une première infection permet d’être ou non protégé et, par extrapolation, d’appréhender la protection offerte par la vaccination. Par ailleurs, nous sommes en train de mesurer le maintien de la réponse lymphocytaire dans le même groupe de patients aux différents temps de suivi, pour évaluer la façon dont l’immunité mémoire persiste."
13 mois selon une étude française
Une étude menée par le CHU de Strasbourg et prépubliée le 17 mai 2021 dans la revue medRxiv a quant à elle conclu que les anticorps anti-SARS-CoV-2 peuvent persister jusqu'à 13 mois après l'infection, et réduisent significativement le risque de réinfection. Pendant plus d'un an, 1309 personnels hospitaliers ont été suivis, parmi lesquels 393 avaient déjà contracté une forme légère du Covid-19. Un an après l'infection, 97% d'entre eux "ont gardé leur anticorps anti-S" (contre la protéine spike du virus), note un communiqué du CHU de Strasbourg.
Par ailleurs, alors que 69 nouvelles infections ont été recensées chez les 916 autres personnels hospitaliers, "une seule réinfection asymptomatique a été observée dans le groupe anciennement infecté par le SARS-CoV-2. Cela indique que le risque de réinfection a été réduit de 96,7% chez les personnes anciennement infectées." L'étude montre également qu'une seule dose de vaccin permet déjà d'augmenter "fortement" le taux d'anticorps, "quel que soit le taux pré-vaccinal et quel que soit le type de vaccin administré".
"Cette étude réalisée sur une grande cohorte fournit pour la première fois des informations cruciales sur la persistance des anticorps circulants contre le SARSCoV-2 après un COVID-19 léger et sur le risque de réinfection à long terme, affirme la Pre Samira Fafi-Kremer, cheffe du service de virologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg et directrice de l'étude. Nous prévoyons de prolonger cette étude pour continuer le suivi à 18 mois et 24 mois pour mieux évaluer la dynamique des anticorps sur le long terme."
Une différence entre les sexes a en revanche pu être observée, les anticorps baissant "plus rapidement chez les hommes que chez les femmes".
L'immunité croisée, un espoir face à la pandémie ?
Plusieurs études publiées apportent un espoir : celui de l'immunité croisée. Concrètement, cela signifie qu'une personne qui a été infectée par un virus de la famille des coronavirus, mais pas nécessairement le SARS-CoV-2, pourrait développer une réaction immunitaire protectrice contre le Covid-19. "Une partie non négligeable de la population pourrait ne pas être sensible au covid, parce que des anticorps non spécifiques de ce virus peuvent l'arrêter", explique à l'AFP Laurent Toubiana, épidémiologiste.
Des chercheurs américains ont notamment publié une étude en ce sens dans la revue scientifique Cell, estimant que 40 à 60% de la population pourrait être immunisée contre le coronavirus en ayant été infectée par le passé par des virus de cette même famille. Comme le rappelle le site scientifique Futura Santé, "quatre souches de coronavirus humains (229E, NL63, OC43, HKU1) sont responsables d'une grande proportion des éternuements et d'écoulement nasal lors des rhumes hivernaux. À eux seuls, ces quatre covid-19 représentent 20 % des rhumes et infectent une grande partie de la population chaque année".
Une étude allemande, publiée sur medRxiv, a mis en évidence la présence de cellules réagissant à la protéine S du Sars-CoV-2 chez des patients qui n'ont pas été infectés, ce qui laisserait croire à une immunité croisée.
Une autre étude parue le 30 septembre dans The Journal of Clinical Investigation a montré que les patients auparavant infectés par l'un des quatre coronavirus responsables de simples rhumes présentaient une forme de Covid-19 moins sévère. Selon l'équipe de chercheurs américains, ces observations suggèrent que "les réactions immunitaires préexistantes contre les coronavirus humains endémiques peuvent atténuer les manifestations de la maladie due à l'infection à SARS-CoV-2".
Cependant, ces travaux ne mettent pas toute la communauté scientifique d'accord. Certains spécialistes appellent à ne surtout pas relâcher les efforts en se basant sur cette théorie. Cette hypothèse demande encore à être confirmée.
Doit-on se faire vacciner si l'on a déjà eu le Covid-19 ?
Les personnes qui ont été infectées par le coronavirus il y a plus de 3 mois peuvent se faire vacciner. Même si l'immunité semble être stable pendant plusieurs mois, la vaccination est intéressante. C'est ce que souligne une étude américaine. Menée par Michel Nussenzweig, professeur d'immunologie moléculaire à Université Rockefeller à New York, la recherche suggère que, force est de constater que l'immunité n'est pas de la même intensité chez toutes les personnes guéries, la vaccination améliore la réponse immunitaire, et ce même avec une seule dose. Ce qui est le cas en France où les personnes infectées il y a moins de 6 mois ne reçoivent qu'une dose. L'étude montre également que le vaccin permet de se prémunir des variants du virus, ce qui n'est pas forcément le cas d'une immunité naturelle.
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