GRAAL -ARTHUR-EXCALIBUR - PAIX-LIBERTE-AMOUR DIVIN

LA CAVERNE initiation

 

LA CAVERNE - ARCHḖTYPE INITIATIQUE
Georges Flour Arcadia 2017
Certains symboles sont des symboles que l’on peut désigner comme universels. Ils existent dans toutes les religions, qu’elles soient « révélées » ou « archaïques », et ils sont retrouvés à toutes les époques, des plus anciennes jusqu’à nos jours. Ce sont les symboles de la nature que l’homme, que ce soit l’homme de Néanderthal ou l’homo sapiens, a toujours trouvé devant lui et qui l’ont fasciné depuis les origines : tels le soleil, la lune, la mer, le rocher, l’arbre, la montagne, le désert et la caverne, qui figure dans les mythes d’origine, de renaissance et d’initiation de nombreux peuples. Depuis la grotte de Lascaux, à la caverne de Platon et celle d’Ali Baba, la grotte ou la caverne a représenté tantôt un lieu de rencontre avec le surnaturel, le divin, le sacré, tantôt une image du monde, et tantôt un lieu secret et plein de richesses. De la grotte de la Nativité à la grotte de Hîra’, en passant par la caverne des dormants, elle représente un lieu de naissance ou de résurrection, un lieu protégé, un lieu de manifestation du sacré, un centre, un point axial dans le temps et l’espace, et par là hors du temps et de l’espace. Nous voulons esquisser ici une comparaison entre la caverne dans l’imaginaire universel : traditionnel, psychologique et même littéraire et la caverne dans l’imaginaire soufi, en décelant les points de rapprochement mais aussi en montrant la spécificité de l’approche soufie quant aux symboles.

La caverne dans la symbolique universelle est un lieu central où s’effectue une transformation (mort, renaissance, initiation) ou bien un lien avec l’autre monde. C’est un espace sacré réel, physique, pouvant aussi être mental, dans lequel se passe quelque chose, soit au niveau individuel, soit au niveau cosmique. Pour Guénon, la caverne est le centre, l’origine, le point de départ, indivisible, l’image de l’unité primordiale. De la Grèce antique (Platon) à l’Extrême-Orient, elle est conçue comme l’image du monde, le lieu de la naissance et de l’initiation, parfois aussi symbolisant le cœur. En tant que lieu et centre, la caverne est considérée tantôt comme un réceptacle d’énergie tellurique, ceci pour la caverne souterraine, tantôt comme un lieu illuminé par rapport aux ténèbres de l’extérieur, car une initiation y a lieu et l’initiation, la seconde naissance, est une illumination. En effet, la caverne qui serait en même temps lieu de mort initiatique et un lieu de seconde naissance, donne accès à la fois aux niveaux souterrains et aux niveaux supra terrestres. Là s’effectue la communication avec les états supérieurs et inférieurs : elle devient donc centre du monde, tous les états s’y reflétant.

En tant qu’archétype de la matrice maternelle (regressus ad uterum), la grotte et la caverne, comme la matrice, symbolisent les origines, les renaissances, ceci surtout au Proche-Orient Elle est donc le lieu de naissance, de régénération et d’initiation comme nouvelle naissance, mais aussi un lieu de passage de la terre vers le ciel, ou du ciel vers la terre, ainsi que le lieu où se fait un passage des ténèbres à la lumière. Guénon explique : mort et naissance sont les deux faces d’un même changement d’état et ce passage d’un état à un autre doit toujours s’effectuer dans l’obscurité. Pour ce, la caverne est liée au voyage souterrain et elle est comparée à la baleine de Jonas. Notons cependant que nous traiterons ici d’une caverne en montagne, ou du moins au-dessus du niveau de la terre (pour la grotte), et non d’une caverne souterraine telle celle de Platon qui représente le niveau inférieur. La sortie de la caverne platonicienne correspondrait à l’entrée dans la caverne que nous traitons, qui symbolise l’éloignement du monde des ombres et des habitudes. La caverne est aussi le lieu d’une troisième naissance : la seconde étant une initiation aux petits mystères, relevant du domaine psychique, tandis que la troisième est l’initiation aux grands mystères, une renaissance spirituelle, précédée d’une seconde mort, non pas au monde profane mais au cosmos. C’est cette troisième naissance qui est une résurrection.

Enfin, Guénon ajoute que, « pour que cette résurrection, qui est en même temps la sortie de la caverne, puisse avoir lieu, il faut que la pierre qui ferme l’ouverture du sépulcre (caverne) soit enlevée », ce qui est en accord avec la fin de l’histoire des gens de la caverne (que ce soit dans les textes chrétiens de Jacques de Voragine ou Jacques de Saroug ou dans les textes musulmans d’exégèse coranique). Enfin, Guénon souligne le caractère électif de l’initiation, en affirmant que seuls ceux qui sont aptes à entrer dans la caverne peuvent y avoir accès. Si dans la symbolique universelle on ne voit pas la caverne comme refuge, lieu protégé ou lieu de repos, la littérature, elle, couvre cet aspect de la caverne ou de la grotte. Bachelard dit : « La grotte est un refuge dont on rêve sans fin. Elle donne un sens immédiat au rêve d’un repos tranquille, d’un repos protégé ». Elle a la fonction d’un « rideau naturel ». Notons qu’elle représente aussi le lieu idéal de refuge non seulement pour les poètes et écrivains mais aussi pour beaucoup de combattants, qu’ils soient résistants ou soldats. Finalement, la caverne symbolise aussi l’exploration du moi intérieur, et plus particulièrement du moi primitif, refoulé dans les profondeurs de l’inconscient. C’est probablement pour cette raison que Jung a voulu interpréter la sourate coranique de la Caverne, qu’il conçoit comme symbolisant la transformation. Cela n’est pas étonnant, car l’entrée en soi mène toujours à un changement profond, à un renouveau, voire même une renaissance. Loti illustre cela en décrivant son attachement aux grottes dans ses Fleurs d’Ennui : « Je m’y sens rafraîchi, retrempé de prime jeunesse et de vie neuve ». Il couvre par-là les deux thèmes du repos et de la régénération ou renaissance

Selon l’égyptologue René Lachaud, ‘’Qererets’’ est le nom hiéroglyphique de caverne, ce nom se trouve sur un papyrus de l’époque d’Amenhotep II, il se trouve également sur les parois de l’Osireion d’Abydos. Les cavernes sont les 6 ou 12 espaces successifs que doit traverser le soleil dans le monde souterrain. Une importance particulière est accordée aux divinités chtoniennes comme Aket, Tatenem ou les serpents, manifestations du monde tellurique. Dans cette caverne qui est bâtie comme un athanor, le dieu solaire subit une série de transformations et de transmutations de type alchimique. Le message véhiculé par cette transmutation dans la caverne est celui d’une mort –renaissance, d’une régénération avec décomposition de la matière et reconstitution d’un homme nouveau dans un autre monde.

Frédéric Giaccardi nous explique « Du mythe de Platon à la symbolique maçonnique » Après une longue explication sur le mythe de la caverne qui développe les 3 grands principes de cette allégorie, à savoir : 1/ la caverne figure l’attachement de l’homme au monde sensible dans un espace providentiel sur lequel il ne peut agir. 2/ L’ascension vers le monde du jour, préfigure l’anabase (Xénophon) c’est à dite la montée de l’âme vers le monde intelligible, progressant tout d’abord de l’illusion à la réalité, puis jusqu'’à la vérité et le Bien. 3/ Le feu qui éclaire la caverne représente le soleil visible qui éclaire notre monde donc le monde souterrain, il est le prototype du soleil véritable extérieur à la caverne qui, lui ; illumine le monde du jour et donc symbolise le Bien. L’idée de Platon est que la contemplation du soleil assure la sagesse. Giaccardi développe ensuite les 3 niveaux d’interprétation et de compréhension sous 3 niveaux essentiels : Compréhension de l’Homme, compréhension de Dieu et compréhension du Monde. Il explique que sur le plan maçonnique, les chaines qui sont dans cette caverne, sont des entraves matérielles à l’accès au spirituel, donc il faut savoir se libérer de ces chaines qui représentent l’Ego, les défauts, les vices, l’orgueil, les addictions, le fanatisme, l’ambition et autres obstacles. Le mot V.I.T.R.I.O.L. dans le cabinet de réflexion nous invitera à une réflexion sur cette descente transcendantale au fond de nous-même et d’y trouver le Trésor caché.

J.P. Bayard dans son livre « La symbolique du monde souterrain et de la caverne » nous rappelle l’utilité de la caverne comme œuf du monde avec ses épreuves du cheminement souterrain pour arriver à la chambre des « sculptures » illuminées par des symboles, tout en rappelant qu’y arrivera que ceux qui sont libres et de bonnes mœurs autrement dit ceux qui ont prouvé et fourni des preuves de leur bonne foi et de leur volonté de perfectionnement. Très souvent ces grottes sont des lieux de culte et de prières, comme en Inde le R.P. Henri le Saux qui vécut longtemps des une grotte/caverne d’Arunachala, également l’ashram de Romana Maharahi qui subsiste encore, était dans une caverne. Les cavernes de Ferrand près de St Emilion, sont nommées grottes des druides. Gérard de Nerval dans son « Voyage en Orient » retrace l’activité d’Adoniram qui a établi ses forges et fonderies près du palais souterrain d’Hénoch. Jean Servier explique que cette caverne est une matrice où se développe le germe, elle est un lieu sacré, de par sa forme elle est féminine et rappelle l’enfantement, tout comme l’œuf primordial favorisera la transmutation grâce aux diverses cérémonies sacrées, cet œuf primordial sera en analogie avec la cavité du cœur considéré comme centre de l’être. René Guénon rappelle que le « développent du germe spirituel, implique que l’être sort de son état individuel, et du milieu cosmique qui en est le domaine propre, de même que c’est en sortant du corps de la baleine que Jonas est ‘’ressuscité’’. Le ventre de la baleine est un ventre maternel, celui de la régénération puisque Jonas y resta enfermé 3 jours, même durée que celle qui permit à Jésus de descendre dans les entrailles de la terre pour y puiser la force de sa réalisation ascendante. Que ce soit pour Jésus ou pour Jonas, ces 3 jours dans une caverne/entrailles sera régénérateur et renaissance

André Bassou fait le rapprochement entre la caverne de Garganus et la force du Franc-maçon. Après avoir expliqué les 6 mythes décrits dans la grotte du mont Gargano, il explique la solidarité qui doit prévaloir entre frères pour lutter contre l’intégrisme et le combat pour la recherche du beau et du vrai. Le sanctuaire au flanc du mont Gargano devint vers l’an 800, un haut lieu de pèlerinage à cause des nombreuses apparitions. Il fait le rapprochement avec Hercule et la fondation de Rome, Hercule et le vol de son bétail que Cacus avait caché dans une caverne et qu'’Hercule récupéra. Selon Bassou, construire est la caractéristique de tout maçon, la solidarité est son corollaire, nous bâtissons ensemble un temple dédié au Principe Suprême, notre méditation doit s’appuyer sur les rituels dont il faut s’imprégner car pensée symbolique et démarche initiatique sont dialectiquement unies.

Jean Bernard Lévy nous explique qu'il faut entendre par caverne tout lieu souterrain, privé de lumière, caché et secret. Ce sont des lieux de préparation de maturation avant la naissance, éventuellement des lieux de réflexion, de prise de conscience et de changement d'état, on peut y voir également des lieux de régression. L’auteur explique le distingo entre le rite initiatique et les mythes. Pour Mircea Eliade la définition de l’initiation est la suivante : « L’initiation est un ensemble de rites et d’enseignements oraux, qui poursuit la manifestation radicale du statut religieux et social du sujet à initier. L’initiation équivaut à une mutation ontologique du régime existentiel. A la fin de ses épreuves le néophyte est devenu un autre ». En fait, l’initiation repose sur un postulat : le Cosmos est régi par un Principe qui nous fait voir qu’une toute petite partie du monde, l’initié est appelé à contempler ce monde d’une autre façon afin d’acquérir un 3e Oeil, un 6e sens et une intuition plus fine ». On est frappé par la similitude entre les rites initiatiques et certaines pratiques dites magiques, comme les traces au sol, les formules incantatoires, les inscriptions sur les murs, dans tous les cas il y a appel à des pouvoirs extra-humain reposant sur la croyance en une transcendance, manifestation d’un seul et même principe. En Franc-maçonnerie le Cabinet de réflexion fait office de caverne initiatique avec ses symboles qui préfigurent la mort, d’ailleurs le néophyte est amené à écrire son testament philosophique. On est là dans une mort-renaissance, le Solve et Coagula. Les traditions grecques nous donnent à réfléchir sur le but de ces cavernes avec le Minotaure, les mystères d’Eleusis, les cavernes des travaux d’Hercule, Orphée, Thésée et autres Héphaïstos nous raconte la caverne et ses secrets.

John Percy à travers le Cabinet de réflexion nous explique pourquoi cet endroit est si important dans une initiation avec son monde chtonien et ses dieux et déesses comme Cybèle, nom qui signifie ‘’déesse des cavernes’’ et dont le sanctuaire était au cœur de la Phrygie dans une caverne creusée dans le mont Dindyme. Ces cultes souterrains se poursuivront au Moyen-Âge avec le culte des Vierges Noires ou comme à Lourdes avec L’apparition de la Vierge dans une grotte. A l’entrée du cimetière de saint Bruno à Bordeaux, il y a un bas-relief illustrant la naissance et la mort de l’homme avec l’expression maçonnique « rien ne se perd, tout se transforme » cela rejoint la conception alchimique de ces deux extrémités de la vie. Comme toutes les cavernes, elles servent également de tombeau (Jésus), de lieux funéraires mais aussi de lieux de transmutation alchimique jouant le rôle d’un athanor qui va changer l’homme pour lui permettre à travers une réintégration de redevenir un Être de lumière.

Marc-Henri Cassagne nous invite dans la caverne de Platon et conclut que la démarche du Franc-maçon ressemble à celle de Platon: celle d’un dévoilement, d’une libération vers la vérité qui peut faire de l’homme un roi platonicien ou un dieu johannique, alors l’Art Royal prend un nouveau sens essentiel, celui de guider les hommes par l’exemple et la vertu, car au-delà du royaume, s’ouvre l’Empire… L’auteur explique longuement pourquoi dans la caverne de Platon, nous trouvons les notions de feu, de soleil et de lumière, tout comme en Franc-maçonnerie ces mêmes mots symbolisent des avatars ou des hypostases du Principe Créateur, ce que Platon appelle ‘’l’Idée des Idées, ou l’Idée du Bien’’. Ces symboles qui sont répartis dans la loge et qui nous obligent d’étapes en étapes scalaires, d’avancer dans une progression assurectionnelle. Alors, l’allégorie de la caverne nous permet de mieux nous approcher de la Connaissance du Grand Architecte de l’Univers.

André Benzimra explique que la lettre Beth en hébreu signifie ‘’maison’’ et possède plusieurs directions. L’une se réfère à l’idée de confusion, d’obscurité et d’ignorance. L’autre, se réfère à la clarté, explication et éclaircissement. Il rappelle que la caverne possède une ouverture, elle est donc à mi-chemin entre les entrailles de la terre et la clarté issue du dehors, entre la nuit de l’ignorance et les premiers rayons de la connaissance. Comme lieu de maturation et de préparation, elle exige en premier lieu l’obscurité des profondeurs, la graine requiert d’être enfouie avant de germer et de s’épanouir en plante. Tout comme l’Univers avant de naître, a dû être couvé dans l’œuf primordial. A toute maturation l’obscurité est donc nécessaire, mais il lui faut aussi une ouverture à la lumière, et la caverne en est le bon exemple. En hébreu l’organe féminin est désigné par le mot ‘’baith qeboul’’ avec donc la racine beth, ce mot veut dire ’’maison de réception’’ c’est une caverne où l’épouse reçoit son époux et plus durablement l’enfant qui sera la moisson de ces semailles. Ce mot qeboul est de la même famille que Qabalah, la Kabbale, c’est pourquoi on dit que la femme porteuse de cette caverne, est naturellement initiée et naturellement initiatrice, tout comme la loge-mère a porté le franc-maçon en son sein, dans sa caverne initiatrice. L’auteur pose la question suivante :’’le monde est-il une caverne ou une prison’’, à cette question il donne la version hébraïque qui est une caverne, mais pour beaucoup de personne dans la vie courante, le monde est une prison, un enfermement psychique, psychologique, c’est ainsi qu'’Albert Camus qualifie le monde profane. Les sociétés initiatiques donnent une porte de sortie à cette prison, avec une initiation d’abord, et un enseignement philosophique et spirituel qui donne l’espérance d’un futur post mortem apaisé et radieux.

Narcisse Flubacher, dans une réflexion profonde nous décrit la caverne de Platon et nous explique l’analogie que l’on y trouve avec le temps des cathédrales et les livres de pierres où les tailleurs inscrivaient une imagerie religieuse devant instruire le peuple illettré, puis vint l’imprimerie qui fit avancer la connaissance et modifia la mentalité des gens, qui purent ainsi sortir de leur obscurité en ayant accès à une connaissance beaucoup plus large, mais cet âge visuel de l’imprimerie, de l’écriture et de la typographie se termine et laisse la place à l’âge de l’informatique et des médias audio-visuels où les images subliminales jouent un rôle très important dans l’accélération du temps linéaire ce qui peut paraitre important et intéressant mais qui en réalité peut se révèle désastreux, nocif et pervers.

Jean Pataut décrit le mythe platonicien de la caverne et y trouve un parallélisme étonnant avec la Franc-maçonnerie. Il lui donne le nom de ‘’chemin du retour’’. Tout d’abord il parle du mythe comme d’un film où le soleil est le metteur en scène qui envoie sur le mur-écran des images virtuelles et nouménales. L’illusoire tient ici une grande place et fascine les prisonniers qui ainsi sont de plus en plus dépendant dans un confort illusoire mais qui les enchaine de plus en plus à la matière. C’est aussi ce que nous dit l’arcane 15 du Tarot avec le Diable qui enchaine les 2 diablotins et les oblige à vivre un matérialisme décadent, pervers et anxiogène qui ne peut que les conduire à une mort spirituelle. Si la vision, la vue l’obscurité, l’ombre, la lumière et l’éblouissement tiennent tant de place dans ce mythe c’est parce que Platon privilégie la voie de la connaissance, voie qui est relié à l’Oeil, organe perfectionné de notre information et de notre discrimination. Le prisonnier qui s’évade de la caverne commence une montée jusqu'’au début de l’ouverture vers la lumière. Cette montée est une montée ‘ initiation royale’ Dans l’arbre de vie, cette montée commence à la sortie de Malkuth pour s’arrêter avant Tipheret, elle correspond ainsi à la purification et à la traversée de tout le monde psychique, c’est l’oeuvre au blanc alchimique, ou la clé d’argent des Papes. On est dans les petits mystères.

Aurélie Ferrand nous raconte l’histoire des 7 Dormants d’Ephèse et la caverne. « Au 3e siecle7 jeunes chrétiens originaires d’Ephèse sont condamnés par l’empereur romain Dèce, pour avoir refusé de renier leur foi chrétienne en un Dieu unique et de se soumettre au culte impérial et ses idoles. Condamnés à l’exil ils s’enfuient. Ils trouvent refuge dans une caverne mais retrouvé par les soldats romains ils sont emmurés vivant dans la caverne. Ils se réveilleront 2 ou 3 siècles plus tard, vivant et dans le même état de jeunesse. L’un deux sort de la caverne et descend dans la bourgade pour acheter des vivres. Il paye avec une pièce d’or datant de l’empereur Dèce, mais cette pièce n’a plus cours aussi le bruit se répand qu'’il aurait trouvé un trésor. Afin de prouver sa bonne foi il emmène les autorités religieuses et l’empereur dans la caverne, mais avant d’y pénétrer il demande à parler avec ses camarades qui unanimement décident de rester dans la caverne et demander leur mort à Dieu. Dans une autre version, ils témoignent de leur ‘’résurrection’’ puis disparaissent » Voilà l’histoire de ces 7 Dormants et qui fait consensus dans les 3 religions du livre (surtout dans le coran et chez les soufis). Le point de départ de cette histoire est la foi totale dans leur religion, la soif de vérité, d’Absolu et d’unicité semble être un préalable à l’exil rédempteur, ils choisissent ainsi le sacrifice de soi porté par leur foi. Selon Ibn Arabi ces 7 dormants forment une figuration de chevalier spirituel, lequel va seul à la conquête de sa conscience profonde en entamant ce voyage sans retour vers Dieu. Il s’agit d’opérer cette plongée dans les profondeurs régénérantes de la caverne et sortir de l’état de dépendance et d’asservissement, caractéristique de notre conscience ordinaire, pour atteindre l’état de discernement d’une réalité autre que celle du monde profane et qui prend racine dans ces mondes intermédiaires qu'’Henry Corbin a qualifié de ’’mundus imaginalis’’ ou monde imaginal, monde qui permet d’accéder à la connaissance effective, dont la moindre parcelle vaut plus que tous les raisonnements qui ne procèdent que du mental, connaissance rappelle René Guénon qui ne peut se faire que par l’âme et l’esprit. Dans cette caverne et durant 2 ou 3 siècles va se produire ‘’la dormition’’. Etape importante de spiritualité. Pour l’alchimie cette phase sera le solve et coagula, la dualité y verra le Yin et le Yang représentant les états inférieurs et supérieurs de l’être. On peut y lire également le processus alterné d’involution et d’évolution, mais dans cette caverne comme dans toutes les autres le point central est qu’on ne peut qu’y dormir ou y mourir avec comme symbole premier un changement d’état à chaque dormition.

En conclusion : Saint Jean de la Croix et Qashâni se rejoignent donc puisque, pour l’un comme pour l’autre, la caverne symbolise les facultés propres à tous les êtres humains, et parce que tous deux proposent une voie de purification intérieure accessible à quiconque a la volonté de suivre la voie du dépouillement. Enfin, un dernier commentaire de la sourate est dans la ligne de pensée de Qashâni et de saint Jean de la Croix est le commentaire du psychanalyste mystique Carl Jung. Dans l’interprétation qu’il fait de la sourate la caverne, Jung représente la caverne comme un lieu de la renaissance, un espace clos où l’on est enfermé pour y être couvé et renouvelé. C’est initialement pour lui un lieu de transformation, et il rejoint par-là la symbolique universelle. Cependant son approche est elle aussi universelle comme celle de Qashâni et de Jean de la Croix. Il dit : « Celui qui d’aventure pénètre dans cette caverne, c’est-à-dire dans la caverne que chacun porte en lui, ou dans cette obscurité qui se trouve derrière sa conscience, celui-là est entraîné dans un processus de transformation d’abord inconscient. Entrant dans l’inconscient, il établit un lien entre les contenus de celui-ci et sa conscience. Il peut en résulter une modification de sa personnalité, lourde de conséquences positives ou négatives. Souvent cette transformation est interprétée dans le sens d’une prolongation de la vie naturelle, ou d’une perspective d’accès à l’immortalité. » [58]
Jung ne symbolise donc pas la caverne par le corps ni par les puissances, mais par l’inconscient, qui lui aussi, selon les psychanalystes, est chose commune à tous les hommes.

On a pu remarquer, dans les passages précédents, les différences entre les auteurs soufis, entre leurs goûts personnels, ainsi que la variété de leurs expériences et de leurs discours. Nous retrouvons cependant une homogénéité, que cela soit chez les auteurs soufis entre eux, ou bien entre les conceptions de ces auteurs et la symbolique humaine universelle. Il semble que tous perçoivent la caverne comme symbole de transformation, qu’elle soit lieu physique concret, lieu mental spirituel, ou lieu métaphorique. Et cette transformation peut être une initiation, une mort et une renaissance, une résurrection, un passage du fanâ au Baqa, un passage de la souillure du monde vers la purification, un passage du monde qui fait peur à la protection divine, ou bien un passage de l’ignorance à la connaissance, de l’éloignement de Dieu vers la proximité, de l’obscurité à la lumière, ou bien finalement une transformation provoquée par l’amour. N’empêche que l’on décèle une différence chez les mystiques ici étudiés dans leur relation à l’espace. Si chez Qushayri le lieu est important, nous remarquons que les autres montrent indirectement que ce n’est pas le lieu qui transforme la personne, qui la sanctifie, mais que c’est ou bien la personne elle-même qui se purifie, se sanctifie, sacralisant par-là l’espace, ou bien, ce qui est plus dans la thématique soufie : c’est Dieu qui sanctifie la personne, en l’enlevant à elle-même et la plaçant dans ce topos spirituel symbolique. Car en fin de compte, pour la pensée soufie, toutes les créatures, qu’elles soient humaines ou rocheuses (ou autres), n’existent que par Lui et ne dépendent ni d’elles-mêmes ni des autres, ni des lieux ni des temps, mais uniquement de Lui.
source : http://www.biblio-arcadia.fr/2-L.htm



23/05/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Religion & Croyances pourraient vous intéresser