Sur le retour de son voyage en Corée le 8 août 2014, le pape François affirmait que «nous sommes déjà entrés dans la Troisième guerre mondiale. Simplement c’est une guerre morcelée, menée par chapitres». Elle est mondiale dans la mesure où, bien que son objectif soit en Europe, elle s’étend au monde entier.
Guerre mondiale signifie guerre étendue au monde entier, guerre planétaire, à laquelle aucune nation, aucun peuple ne peut échapper. Mais il s’agit d’une guerre fragmentée parce que ses acteurs ne sont pas seulement les Etats, les superpuissances, comme au temps de la guerre froide. La guerre mondiale signifiait alors la menace d’une guerre nucléaire entre les Etats-Unis et la Russie : une guerre entre deux colosses qui aurait inévitablement entraîné avec elle les nations plus petites qui gravitent dans l’une ou l’autre zone d’influence. Aujourd’hui aucune des superpuissances n’a le pouvoir d’autrefois. L’Empire soviétique s’est désagrégé, mais l’Empire américain connaît également une phase de déclin et de décadence. La crise de l’empire américain a commencé symboliquement en 2001, lorsque la chute des Tours Jumelles en a montré la vulnérabilité, mais cette crise a explosé après les guerres d’Afghanistan et d’Irak. Ces guerres furent des erreurs parce qu’elles n’ont pas été remportées et les guerres qui ne sont pas remportées, pour une puissance qui a les prétentions d’un empire, doivent être considérées comme perdues.
L’Europe aussi a perdu sa guerre : la guerre de Lybie en 2011. Kadhafi a été abattu, la Lybie a basculé dans le chaos et l’Etat islamique a rejoint son avant-poste à Syrte. Un immense cratère volcanique s’étend de nos jours entre les côtes de la Lybie, la périphérie d’Alep, en Syrie, et celle de Baghdad, en Irak : un cratère volcanique dont les éruptions ne sont pas le fait des forces aveugles de la nature, mais celui des erreurs effrayantes des Etats-Unis et de l’Union Européenne.
La première expression de cette guerre est l’Islam. Nous ne devons pas penser que l’Islam est un ennemi qui menace l’Europe uniquement de l’extérieur. L’Islam encercle l’Europe, mais est déjà à l’intérieur. Il est en Europe par le terrorisme, qui n’a pas encore explosé dans sa pleine puissance, mais également par les masses d’immigrés qui l’envahissent selon un plan préétabli. Les clandestins ne fuient pas la guerre : ils l’apportent en Europe.
Jusque dans les années 90, il apparaissait clairement que l’Islam avançait dans sa marche de conquête selon deux lignes stratégiques. La ligne “dure”, l’“hard-jihad”, qui est celle de l’islamisme radical, qui veut arriver à l’hégémonie mondiale à travers les instruments de la guerre et du terrorisme : pendant de nombreuses années, elle s’exprimait surtout dans le mouvement de Ben Laden, Al-Qa’ida.
La ligne “douce”, la “soft-jihad” de ce que l’on appelle l’“islam modéré”, s’exprimait surtout au travers des instruments de l’immigration et de la démographie. Les Frères Musulmans, fondés par Hasan al-Banna en 1928, sont l’expression de cette stratégie d’expansion qui, comme le rappelle Magdi Allam, « promeut l’islamisation de la société par le bas, par le contrôle des mosquées, des centres culturels islamiques, des écoles coraniques, des établissements caritatifs et des institutions financières ».
Cette attaque portée à l’Occident à travers deux lignes stratégiques complémentaires, a connu, depuis un an, une accélération inattendue. La ligne dure de l’“hard-jihad” a fait une grande avancée qualitative en passant d’Al-Qa’ida à l’El, (ou, comme le disent les arabes, Daesch). En un an nous avons assisté à la naissance et au développement d’un Etat islamique qui a pour but déclaré de reconstituer ce califat universel qui, comme l’a expliqué dès les années 90 la principale spécialiste de l’Islam, Bat Ye’or, n’est pas le rêve de fondamentalistes, mais l’objectif de tout vrai musulman.
Mais le phénomène d’accélération caractérise également la ligne de la “soft-jihad”. L’immigration s’est transformée en une invasion de l’Europe, massive et apparemment inéluctable. Au total, sur le seul mois de juillet, 107 500 clandestins sont arrivés en Europe, soit plus du triple par rapport à juillet 2014. Les demandes d’asile ont atteint en un an, ne serait-ce qu’en Allemagne, le chiffre de 800 000. Comment ne pas penser à un plan pré-établi? L’impuissance des gouvernements nationaux européens ne révèle pas leur incapacité, mais leur complicité dans le plan d’islamisation de l’Europe.
L’Etat islamique, a dit en août dernier, au Meeting de Rimini, en Italie, le père Douglas Al Bazi, c’est l’Islam authentique, véritable, à 100 %. Il n’est pas une interprétation erronée, ni une dérive. C’est l’Islam authentique, comme l’est également l’islam politique qui est en train de prendre le pouvoir par des instruments démocratiques. Il s’agit de deux faces de la même médaille terrifiante, deux stratégies complémentaires de la même machine de guerre. Eurabia est le nom d’un projet qui se propose de scinder l’Europe en deux.
L’Europe latine et catholique, qui comprend l’Espagne, la France, l’Italie, tomberait sous l’influence islamique. Le chaos économique et social pourrait ébranler ces nations, suivant le modèle grec et sur un scénario d’instabilité où le terrorisme s’accompagnera d’une rébellion des nouvelles masses islamiques. Un nouveau rideau de fer séparerait l’Europe du Nord sous l’influence allemande et anglo-américaine de l’Europe du Sud, arabisée et islamisée. C’est dans cette perspective que l’on peut lire la référence toujours plus fréquente à Rome.
Dans l’acte de fondation du califat djihadiste, le prêche de la mosquée de Mossoul du 4 juillet 2014, Abu Bakr al Baghdadi a appelé tous les musulmans à s’unir à lui : s’ils le font, il l’a promis, l’Islam arrivera jusqu’à Rome et dominera le monde entier. Dans les vidéos diffusées par l’El apparaît le drapeau noir du califat qui flotte sur le Vatican, le Colisée en flammes et une mer de sang qui le submerge.
Enfin vient l’annonce du califat Lybien, « nous sommes au sud de Rome », tandis qu’Abu Muhammed al Adnani, porte-parole de l’Etat islamique d’Iraq et de la Grande Syrie, annonce : «Nous conquerrons votre Rome, nous briserons vos croix, nous réduirons vos femmes en esclavage» (Magdi Allam, Kamikaze made in Europe, Mondadori, Milan 2005, p. 22).
« La Lybie est la porte pour arriver jusqu’à Rome ». C’est le titre d’une nouvelle campagne de la terreur de l’El en Lybie, qui sur Twitter a publié une série d’images montrant la ville éternelle en flammes surmontée d’une carte de la Lybie où se dresse le drapeau noir du Califat. Dans un message posté sur son compte Twitter, un combattant de l’El, Abu Gandal el Barkawi, appelle les djihadistes à « aller à Rome, ou Romia, en passant par la Lybie, la porte vers Rome ». Dans le texte Barkawi ajoute : « les armes des ottomans ont été lancées et ont encerclé Rome après avoir conquis la Lybie au sud de l’Italie. Qui veut prendre Rome et l’Andalousie doit commencer par la Lybie » (Ansa.it, 25 août 2015). Il ne s’agit pas d’affirmations isolées.
Le site intelligence SITE, a fait connaître un e-book djihadiste qui encourage les musulmans qui vivent en occident à se regrouper dans un “gang” pour former des mouvements de djihad dont la « fin ultime est la conquête de Rome ». Hassan Hassan, écrivain syrien et co-auteur, avec le journaliste Michael Weiss, du livre Isis. Inside the Army of Terror affirme qu’il ne faut pas sous-évaluer les menaces que l’Etat islamique adresse depuis longtemps au monde occidental parce que Abu Bakr al-Baghdadi, le chef de l’organisation djihadiste, a vraiment l’intention de conquérir le monde entier.
C’est ce même objectif annoncé depuis plus de dix ans par le principal représentant des Frères Musulmans, l’imam Yusuf al Qaradawi qui dans une fatwa promulguée le 27 février 2005, a déclaré qu’ « à la fin, l’Islam gouvernera et sera maître du monde entier. L’un des signes de la victoire sera la conquête de Rome, l’occupation de l’Europe, la défaite des chrétiens et le nombre croissant de musulmans qui deviendra une force qui contrôlera tout le continent européen ».
Yusuf Qaradawi qui, après avoir mené le “printemps arabe” égyptien, a été condamné à mort par contumace par la Cour d’Assise du Caire le 16 juin dernier, est le président du European Council for Fatwa and Research, dont le siège est à Dublin, point de référence théologique des organisations islamiques liées aux Frères Musulmans. Ses idées diffusées par la chaîne satellitaire Al Jazeera, influencent une grande partie de l’Islam contemporain. Pour les Frères Musulmans, comme pour l’Etat islamique, l’objectif final n’est pas Paris ou New York, mais la ville de Rome, centre de l’unique religion que, depuis sa naissance, l’Islam veut anéantir. Le véritable ennemi, ce n’est ni les Etats-unis ni l’Etat d’Israël, mais l’Eglise catholique et la Civilisation chrétienne, dont la religion de Mahomet représente une parodie diabolique.
L’objectif est Rome : pourquoi ? Parce que la guerre en cours, avant d’être économique, politique, démographique est, comme toujours, religieuse. Parce que c’est de Rome que vient la force morale qui en 1571, à Lepante, et en 1683, à Vienne, repoussa l’Islam.
Le pape François n’est pas saint Pie V, mais Rome continue à être le cœur du monde, son centre, parce que sa force réside en Jésus-Christ, Celui qui a fondé et continue à guider son Eglise. Nous devons comprendre ce que signifie Rome pour l’Islam. Et nous devons surtout comprendre ce que signifie Rome pour nous. (Roberto de Mattei)