massacre des chrétiens
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ontres
Le carnage perpétré par des terroristes islamistes au Sri Lanka dans des hôtels de luxe, mais aussi dans trois églises bondées en pleine célébration de Pâques, souligne une triste réalité. Celle des violences antichrétiennes dans le monde, qui sont en nette augmentation. « Les attentats s'intensifient au moment des grandes fêtes comme Noël ou Pâques, parce que les églises sont remplies, donc les terroristes peuvent faire le maximum de victimes, et la charge symbolique est importante », souligne Marc Fromager, directeur pour la France d'Aide à l'Église en détresse, ONG rattachée au Vatican qui intervient dans 150 pays. Mais, depuis 2012, ces actes meurtriers de masse se multiplient tout au long de l'année, comme le montre notre carte. En 2018, 4 305 chrétiens dans le monde ont été assassinés pour leur foi : ils étaient 3 066 en 2017. En un an, deux fois plus d'églises ont été ciblées (vandalisées, pillées, détruites, fermées…) sur la planète : 1 847 en 2018, 793 en 2017. Ces chiffres sont tirés de l'index mondial des persécutions contre les chrétiens, que tient depuis vingt-cinq ans l'ONG protestante Portes ouvertes (Open Doors), active dans 70 pays. D'après ces sources, au total, ce sont 245 millions de chrétiens – catholiques, orthodoxes, protestants – qui sont persécutés dans le monde, soit « un chrétien sur neuf », contre un sur douze l'année précédente. Lire aussi Le Sri Lanka, un pays stratégique pour le pape François « Quand j'ai reçu les dernières données en décembre, j'ai eu l'impression d'avoir devant moi un lac noir, encore plus large et plus profond que l'année précédente, constate Michel Varton, le directeur de Portes ouvertes. Il y a de plus en plus de pays dans lesquels les chrétiens sont persécutés, et dans les États où ils l'étaient déjà, la pression augmente d'année en année. » Selon l'ONG, le nombre de pays où ces violences sont commises a augmenté de 20 % en un an : ils sont 73 en 2018, contre 53 en 2017. C'est en Afrique que les chrétiens sont les plus exposés. En Centrafrique, en Somalie, au Congo (RDC), au Soudan du Sud (notamment), la chasse à ces croyants est ouverte. Pis encore, au Nigeria, la situation est alarmante : 3 731 y ont été tués en 2018, contre 2 000 l'année précédente ; et 569 églises ont été attaquées, contre 22 en 2017. Les terroristes de Boko Haram sévissent, mais pas seulement : les chrétiens sont à la merci des nomades peuls ou foulanis musulmans qui, « du fait de la désertification, souligne Michel Varton, descendent vers le sud et occupent les terres des chrétiens ». « Ils attaquent sans vergogne les villages, incendient les maisons, tuent les prêtres, s'alarme Marc Fromager. Et il n'y a pas qu'au Nigeria. La violence s'étend sur la bande sahélo-saharienne, vers la Mauritanie, le Mali ou le Niger... » Lire aussi « Une action terroriste d'une telle envergure est unique au Sri Lanka » En Asie aussi, les violences s'intensifient. L'ONG Portes ouvertes place à la première place des pays les plus persécuteurs au monde la Corée du Nord, sans pouvoir publier de données fiables vu le contrôle de l'information par le régime. « Mais nous savons ce qui se passe grâce aux réseaux de l'Église clandestine qui compte environ 200 000 fidèles, indique Michel Varton. Beaucoup sont emprisonnés dans des camps de travail et les églises sont fermées. » En Chine, les fidèles subissent le tour de vis du régime dans sa politique de « sinisation » des religions. Prêtres et pasteurs sont arrêtés, les églises sont fermées de force, les croix remplacées par les drapeaux chinois… « La Chine, tout comme l'Algérie où le gouvernement ferme aussi les églises, monte en flèche dans notre classement », note notre interlocuteur. Autre centre de préoccupation : l'Inde, qui figure pour la première fois à la dixième place de l'index des persécutions, du fait de l'hindouisation de la société – huit États ont adopté des lois anti-conversion. Jusqu'à l'attaque de Pâques, le Sri Lanka s'était fait peu remarquer : avec 21 chrétiens attaqués et 10 églises ciblées, le pays était classé à la 46e position en 2018. Quelques heures après ces attaques de masse revendiquées par l'État islamique, le pape François, qui s'était rendu au Sri Lanka dès 2015, souhaitait lors de sa bénédiction urbi et orbi pour Pâques « que tous condamnent ces actes terroristes, des actes inhumains, jamais justifiables ». Le chef de l'Église catholique aurait pu employer les mêmes mots qu'il avait lâchés, quatre ans auparavant, après le massacre de Garissa au Kenya qui avait fait 148 morts début avril 2015 : François avait alors dénoncé le « silence complice » et l'« indifférence » devant la « furie djihadiste ». Nous comptons aujourd'hui plus de martyrs qu'aux premiers siècles Le Saint-Siège a de multiples fois dénoncé ces persécutions à travers ses représentants dans les organisations de l'ONU, à New York comme à Genève… Et, notamment sous l'impulsion du cardinal français Jean-Louis Tauran, décédé le 5 juillet 2018, le Vatican presse les autorités de l'islam pour qu'elles soient plus claires dans leurs condamnations, en tout cas moins ambiguës. À Abu Dhabi le 4 février dernier, lors d'une rencontre interreligieuse, François déclarait ainsi : « Je désire exprimer mon appréciation pour l'engagement de ce pays (Les Émirats) pour la tolérance et pour garantir la liberté de culte, en faisant face à l'extrémisme et à la haine. En faisant ainsi, alors qu'on promeut la liberté fondamentale de professer sa propre croyance, exigence intrinsèque à la réalisation même de l'homme, on veille aussi à ce que la religion ne soit pas instrumentalisée et risque, en admettant la violence et le terrorisme, de se nier elle-même. » Puis, à Rabat, le 30 mars suivant, il affirmait encore : « Je suis heureux de pouvoir visiter dans un moment l'Institut Mohammed VI pour les imams, les prédicateurs et prédicatrices voulu par Votre Majesté, dans le but de fournir une formation adéquate et saine contre toutes les formes d'extrémisme, qui conduisent souvent à la violence et au terrorisme et qui, en tout cas, constituent une offense à la religion et à Dieu lui-même. » Lire aussi Sri Lanka : « Les terroristes veulent briser la tolérance religieuse » Sur ce terrain ultra-sensible, le pape avance à pas feutrés, et prend bien garde à son vocabulaire. Une seule fois, il aura employé à propos des persécutions dont les chrétiens sont l'objet le terme de « génocide », comme une certaine frange, minoritaire, de son Église le pousse à le faire. C'était en juillet 2015 en Bolivie, lors d'une rencontre avec les milieux populaires : « Aujourd'hui nous voyons avec frayeur comment beaucoup de nos frères au Moyen-Orient et en d'autres endroits du monde sont persécutés, torturés, assassinés pour leur foi en Jésus. Cela, nous devons aussi le dénoncer : en cette troisième guerre mondiale fragmentée que nous vivons, il y a une espèce – je force le sens du mot – de génocide en marche qui doit cesser. » Un an plus tard, François explique qu'il « n'aime pas » le mot de génocide, préférant le terme de « martyrs » en parlant des chrétiens persécutés. Un mot qu'il a à nouveau employé… un mois avant les tueries du Sri Lanka, en exhortant ses fidèles à prier pour les chrétiens persécutés. Les premiers mots de son message étaient les suivants : « On a peut-être du mal à le croire, mais nous comptons aujourd'hui plus de martyrs qu'aux premiers siècles. » Déclaration prémonitoire ? Quelques semaines plus tard, ils seront des dizaines à mourir en plein office de Pâques sous le feu de kamikazes islamistes. Las, il est à craindre que, démantelé dans ses bastions traditionnels, l'État islamique transporte sa guerre sanglante sur de nouveaux terrains. Avec, toujours, les chrétiens en ligne de mire.Halte au massacre des chrétiens !
VIDÉO. Trois églises bondées ont été prises pour cible au Sri Lanka. Depuis 2012, ces actes meurtriers de masse se multiplient tout au long de l'année.
Par Jérôme Cordelier (avec Eric Sénanque, au Vatican)
3 731 tués au Nigeria