Ali Zakaria, 21 ans, clandestin issu du Maghreb – connu du reste sous trois autres (fausses) identités – vient d’être condamné à neuf ans de prison ferme par la cour d’Assises de Nantes. Il a aussi été interdit de territoire. Son crime : le viol en 2016 d’une jeune fille d’origine camerounaise, insérée, qui rentrait de boîte de nuit. Pendant le procès, il n’a pas eu un mot de compassion ni d’excuse. Ce n’est du reste pas un cas isolé : les viols, souvent commis par des « oiseaux de nuit » clandestins, se multiplient à Nantes, tandis que les autorités ferment les yeux.
Pourtant, le viol est selon une enquête de l’Association mémoire traumatique et victimologie, en 2015, un véritable « problème majeur de santé publique » : 96% des victimes estiment que le viol a eu un impact sur leur santé psychologique, 60% sur leur santé physique, une victime sur deux a développé depuis des conduites addictives ou eu des troubles dépressifs répétés, 78% ont eu des idées suicidaires et 42% tenté au moins une fois de mettre fin à leur jour.
Mais si un rapport d’information de la délégation des droits des femmes, en date du 22 février 2018, tente de persuader que le violeur est essentiellement blanc et dans le cadre familial, la réalité du viol de rue est tout autre : il s’agit de 9% des viols et tentatives connus en 2017 (93.000 en tout). Et 7% de plus ont eu lieu dans les transports en commun. « Si une femme est agressée, c’est très rare que cela soit par un Français », confirme un client ‑ d’origine arabe, « et j’en suis fier à 1000% » ‑ au cœur de l’île Feydeau à Nantes.
« Si je l’avais violée, j’aurai mis un préservatif pour ne pas laisser de trace »
Ici, le viol a eu lieu le 30 octobre 2016 vers 6 heures du matin. Selon le témoignage de son frère, la victime aurait été violée deux fois, d’abord par l’accusé non loin de la boîte de nuit, puis rue du Général-Buat par un Africain d’âge plus mûr. Choquée, elle a d’abord refusé de porter plainte et a pris son service au restaurant où elle travaillait, l’après-midi suivant, mais sa cheffe l’a poussée à porter plainte. Le suspect a été placé en détention le 8 mars 2017.
« Je la vois arriver, elle a de l’herbe dans les cheveux comme si elle est tombée, ses vêtements sont sales, elle me dit on m’a violée », se souvient avec émotion le frère de la victime. L’accusé, lui, sourit en coin. La victime, discrète, est retournée au Cameroun après le viol, puis est revenue en France et a fini par reprendre ses études. Elle s’exprime, la voix assourdie par l’émotion.
Jamais l’accusé, qui dit être arrivé à 14 ans du Maroc – comme d’autres « mineurs isolés étrangers », ni vraiment mineurs, ni isolés, ne s’excuse pas, et nie même, malgré les preuves et les apparences. « J’ai croisé cette fille vers 4 ou 5h, on a parlé. Elle m’a tiré par la main, a soulevé sa jupe et a dit fais ce que tu veux », affirme-t-il, sans rire. Son ADN a été retrouvé sur la femme. Pourtant, il conteste tout viol. Pour l’expert, « il n’a pas d’empathie, ne s’intéresse pas à l’autre ». Le cerveau reptilien à l’état pur. Et le troisième jour, il enfonce le clou : « si je l’avais violée, j’aurais mis un préservatif pour ne pas laisser de trace ».
De quoi lasser un habitué du palais : « on ne lui demande pas de se mettre de la cendre sur la tête, mais là il s’enfonce. Il est le symbole dégoûtant de tous ces jeunes délinquants qu’on voit tous les jours pour vols, viols, agressions, etc. Les lois ils n’en ont rien à foutre, ils sont là pour piller et profiter de la France. On a l’impression que pour eux les Français sont des victimes, et les Françaises toutes des putes car elles s’habillent court et n’ont pas de voile ».
Des violeurs étrangers et des victimes « très souvent » blanches
Le planning de la cour d’Assises est éloquent : sur trois semaines, jusqu’au 5 juillet, trois affaires de viols seront jugées, avec quinze parties civiles. A chaque fois, l’accusé est d’origine étrangère, et il y a un traducteur : celui de la semaine du 24 au 28, jugé par la cour d’Assises des mineurs, donc anonymisé, est confronté à pas moins de neuf parties civiles, avec des viols aggravés et des viols sous la menace d’une arme. La semaine suivante, il s’agit d’un autre homme mis en accusation le 1er août 2018, avec cinq parties civiles.
Un policier nantais confirme : « les viols sont en augmentation, et très souvent, les victimes sont blanches. Quant aux violeurs, ils sont souvent d’origine nord-africaine, souvent aussi ils se font passer pour mineurs, parfois ils sont titulaires d’un mariage de complaisance. Mais cette vérité n’est pas bonne à dire ». Au risque de remettre en cause le dogme de « l’enrichissement culturel » et ses porte-étendards clandestins et délinquants, dont le membre tient lieu de sabre et la drogue qu’ils consomment en abondance, d’excuse.
Lieux à risque pour les Nantaises : Hangar à Bananes, Prairie au Duc, centre-ville
Anne Bouillon, avocate de la partie civile, estime que « la nuit, les hommes et les femmes ne sont pas libres de circuler de manière égale dans l’espace public : nous déplacer en groupe, prévenir nos proches ou réfléchir à la longueur de nos jupes n’est pas acceptable ».
Une réalité que les pouvoirs publics préfèrent ignorer – et pourtant Nantes a pour maire une femme, Johanna Rolland. Mais sans doute ne rentre-t-elle pas à pied le soir depuis le Hangar à Bananes : le terminus provisoire du C5, jusqu’au début de soirée, est situé au milieu de nulle part entre deux chantiers, au bout du boulevard de la Prairie au Duc, un vrai no man’s land urbanistique depuis dix ans. Au mois de septembre cependant, il devrait être déplacé définitivement derrière le Hangar à Bananes, dans un lieu éclairé et vidéo-surveillé.
Dans ses rues mal éclairées et ses boulevards sans vie le soir, entre chantiers et cages à poules hors de prix pour bobos, ont lieu nombre de viols et d’agressions. Des bandes tapies dans l’ombre guettent les fêtards, avinés ou juste isolés. Surtout les filles. « Y a pas mal de viols au fond là bas », pointe un vigile du Hangar à Bananes vers le boulevard et les Machines de l’Ile. « Ici, on surveille les quais et les entrées des établissements, on les connaît à force, et il y a des caméras autour ».
Les violeurs ? « Les mêmes que les voleurs, des jeunes qui se disent mineurs, maghrébins, somaliens, soudanais aussi. Ils essaient d’entrer dans les bars, tentent de voler ce qu’ils peuvent, accostent les filles pour avoir leurs 06 [numéros], vendent des clopes de contrebande, se mettent en bande pour dépouiller les fêtards dans les coins les plus à l’ombre. Et quand ils peuvent, ils piquent le téléphone, le sac et en profitent pour violer les filles ».
Sur l’ancienne île Feydeau, une serveuse dénonce un « laisser aller total au niveau de l’insécurité et des viols. Sortir du Petit Marais [un bar de nuit qui ferme à 4h, rue Kervégan] sans se faire alpaguer, voire tenter de voler son tél, c’est impossible ». Un client renchérit, « l’autre soir y a encore eu une bagarre, nous étions 7-8 à sortir, en face ils étaient 7-8 aussi, y en a un qui a carrément plongé sa main dans la poche d’une fille de notre groupe pour lui piquer son tel. C’est parti en live et le lendemain matin, ils étaient à nouveau là ».
« Pour ma part je ne vais presque plus jamais en ville hors du boulot », confirme une autre serveuse, « c’est craignos, y a vraiment le risque de se faire agresser ». Nantes est en train d’être volé aux Nantais même, à cause de l’insécurité. Un de nos lecteurs témoigne : « l’autre jour j’étais avec mon amie en ville, on a coupé par Bouffay pour rentrer, la nuit commençait à tomber, et je lui ai dit, tu vois, ça fait bien un mois que je ne suis pas venu au centre-ville après que la nuit soit tombée. D’ailleurs quand je suis avec elle, je ne prends pas le risque d’emmerdes, je n’y vais pas du tout. C’est dommage, je suis né à Nantes et je trouve qu’on a une très belle ville. Enfin on avait ».
« Si vous saviez tout ce qui se passe à Nantes, vous n’y resteriez pas »
Quelques témoignages de nos lecteurs, sans commentaires. En janvier 2018, une étudiante des Mines de Nantes rentre chez elle, en suivant le cours des 50 Otages. « Une voiture monte sur le trottoir et la percute lentement, puis la porte s’ouvre et quelqu’un tente de la hisser dedans », se rappelle un de ses amis. « Elle réussit cependant à se relever et s’enfuit en criant. Ensuite, elle est allée porter plainte. Le policier lui a dit que le même mode opératoire avait déjà été signalé plusieurs fois, et qu’elle avait échappé belle à un viol. Et il lui dit, ma pauvre, si vous saviez tout ce qui se passe à Nantes, vous n’y resteriez pas ».
D’autres violeurs repèrent leurs victimes à la sortie des bars du centre et les suivent jusque chez elles – ce sont d’ailleurs souvent des nord-africains, selon le récit des victimes ou les quelques jugements, quand ils sont attrapés. Un clandestin avait été arrêté en mai 2019 à Paris pour des viols similaires commis à Nantes pont de la Rotonde, quai François Mitterrand et pont de Tbilissi (Olivettes-Madeleine).
Cette serveuse du centre de Nantes a « manqué se faire violer il y a quatre mois. Un jeune homme d’origine nord-africaine m’a accostée vers Jean Jaurès, j’ai repoussé ses avances, et j’ai continué à remonter le long de la ligne 3. Quand je suis arrivée chez moi dans le quartier Hauts-Pavés, il s’est engouffré derrière moi dans le hall et a essayé de m’étreindre. J’ai dû lui rabattre la porte à la tête. Depuis, je ne sors plus sans mon Taser ».
Des récits qui n’étonnent guère ce policier nantais : « oui, il y a de plus en plus de viols et de tentatives, et j’ai entendu d’autres récits de filles qui l’avaient échappée belle. Certaines, notamment celles qui vont dans le centre régulièrement – les serveuses par exemple – se promènent maintenant armées ou demandent à leurs amis de les rejoindre systématiquement. Ce qui ne décourage pas les violeurs car la réponse judiciaire est tardive et faible, beaucoup s’en sortent avec une garde à vue et se font passer pour mineurs, s’ils sont pris. Le risque, c’est qu’un jour, faute de réponse judiciaire et de volonté politique, une victime ou un de ses proches soit tenté de se faire justice soi-même ».
Louis Moulin