Avec près de 800 000 hectares, la vigne représente 3.7 % de la surface agricole française mais elle consomme à elle seule environ 20 % des pesticides. La culture de la vigne n’est pas en reste, l’usage de fongicides, substance conçue pour éliminer le développement de champignons parasites, est quasi systématique. En Aquitaine, où la viticulture est particulièrement développée, la question de la dangerosité des pesticides pose question.
En 2012, James Bernard Murat, vigneron à Pujols en Gironde, décède brutalement d’un cancer. « Il était très robuste physiquement, mentalement, et il avait une vie complètement saine : il ne fumait pas, ne buvait pas, donc comment il a pu attraper ce cancer ? » témoigne sa fille, Valérie Murat, aujourd’hui militante anti-pesticide. Les médecins, Son cancer est dû à l’arsénite de soude, un pesticide qu’il a épandu pendant 42 ans pour lutter contre l’esca, une maladie des ceps de vigne, jusqu’à ce que l’État le retire du marché en 2001.
« LES FUTURES GÉNÉRATIONS VONT HÉRITER DE QUOI ? DES MALADIES »
Mais ces maladies ne touchent pas que les viticulteurs.
À Birac, en Charente, Claudine et Jacquis Massoulard habitent dans ce qu’on appelle désormais « la vallée du lymphome ».
En quelques années, plusieurs habitants ont développé des cancers des ganglions ou des testicules. Ils habitent tous à proximité de vignes traitées avec des produits phytosanitaires.
Jean-Louis Lévesque, médecin de campagne, a été témoin de ce phénomène : « Actuellement nous n’avons aucune preuve formelle du lien qui peut exister entre cancer et pesticide mais lorsqu’on a autant de cas sur si peu de superficie on se pose des questions » explique-t-il. Pour faire avancer les choses, le docteur Lévesque collecte les dossiers médicaux pour les faire analyser.
« TANT QU’ON NE NOUS EN PARLE PAS, ON NE SE POSE PAS TROP DE QUESTIONS »
« Tout le monde le sait, et tout le monde ferme les yeux » confie une maman d’élève. « En ce moment on voit beaucoup de femmes enceintes qui ont des problèmes : les trois quarts du temps elles sont obligées d’avorter parce qu’il y a des problèmes neurologiques » déplore-t-elle. Une autre maman d’élève a, elle, plus de réserve : « Tant qu’on ne nous en parle pas on ne se pose pas trop de questions. Parce que bien souvent la vigne, ça nous fait vivre aussi ». Dans des régions où le raisin est le poumon économique, remettre en question les pratiques des viticulteurs reste tabou. Les grands propriétaires viticoles, comme Louis Vuitton, Peugeot, Axa emploient chaque année des milliers d’ouvriers, faisant ainsi vivre la population locale, et s’attaque aux pesticides, c’est aussi s’attaquer à ces grands groupes.
La pression économique
Si poids des industriels est fort, celui de l’économie l’est aussi.
Agriculteur dans la vallée du Birac touchée par de nombreux cas de cancer, Bernard Gautier, du haut de sa sulfateuse, relativise l’impact des pesticides. « Je n’ai vraiment pas l’impression de polluer » assure le viticulteur. Ce producteur de cognac l’assure : « On ne pas faire sans, il faut qu’on défende une production, une récolte ». Sans pesticide, le rendement est considérablement diminué.
« LES PHYTOSANITAIRES SONT DES ASSURANCES RÉCOLTE »
Un ancien directeur de la FNSEA (Fédération nationales des syndicats d’exploitants agricoles) de Gironde est du même avis : « Je pense qu’on ne peut pas se passer de produits phytosanitaires de synthèse » affirme-t-il.
Mais tous les viticulteurs n’approuvent pas ce discours : « On produit de la vie, on ne doit pas semer la mort » martèle un agriculteur.
Retrouvez « Pesticides, le poison de la terre » le 14 juillet 2018 à 23 h 25, dimanche 15 juillet à 9 h 55, et samedi 21 juillet à 22 h 30 sur Public Sénat.