JUSTICE - Comme on pouvait s’y attendre, le séisme de la mort de Jeffrey Epstein provoque des secousses jusqu’en France. Et la première d’entre elles pourrait bien concerner Jean-Luc Brunel, le patron de la célèbre agence de mannequins MC2.
Dans une enquête publiée ce mardi 13 août, Mediapart cible effectivement le septuagénaire comme l’un des “principaux pourvoyeurs” d’adolescentes à Jeffrey Epstein, accusé d’avoir sexuellement abusé de nombreuses jeunes filles mineures. Car si le financier, ancienne figure de la jet set, devenu l’un des détenus les plus en vue du pays s’est apparemment suicidé dans sa cellule, la justice jure qu’elle continuera a traquer ses complices.
Et depuis son inculpation début juillet, les noms de plusieurs de ses puissants amis ont émergé dans les documents judiciaires et les médias. Si aucun n’a été inculpé, ils risquent désormais de se retrouver au cœur de l’enquête que le procureur fédéral de Manhattan a promis de continuer. Bill Clinton, Donald Trump, le Prince Andrew ou encore Leslie Wexner sont les noms les plus cités par la presse américaine.
“Un des principaux pourvoyeurs de filles”
En France, une personne semble attirer toutes les attentions: Jean-Luc Brunel. Alors que de nombreuses militantes féministes -et deux ministres- réclament avec force l’ouverture d’investigations dans l’Hexagone à la vue des très nombreuses ramifications internationales de cette affaire, Mediapart publie une enquête et deux témoignages révélant la place prépondérante qu’aurait occupée Jean-Luc Brunel dans le “système” pédophile mis en place par le financier.
Le média d’investigation a notamment pu consulter plusieurs témoignages de Virginia Giuffre, une des principales accusatrices de Jeffrey Epstein, datant de 2011 et 2015. Celle qui dit avoir été maintenue sous son emprise en tant “qu’esclave sexuelle” entre 1999 et 2002 aurait notamment indiqué à ses avocats avoir entendu le financier se féliciter d’avoir fait venir de France “deux jolies filles de 12 ans” pour son anniversaire”. “C’était un cadeau surprise d’un de ses amis et elles venaient de France”, expliquait-elle en 2011.
Mediapart rappelle également que Virginia Giuffre a nommément mis en cause Jean-Luc Brunel dans sa plainte aux autorités en 2015 depuis révélée par la presse américaine. Outre le fait qu’elle aurait été forcée d’avoir des relations sexuelles avec lui, elle accuse clairement le patron de l’agence de mannequinat d’avoir été “un des principaux pourvoyeurs de filles” de son ami. “Il amenait ces jeunes filles, âgées de douze à vingt-quatre ans, aux États-Unis à des fins sexuelles et les remettait à ses amis, Epstein compris”, avait-elle déclaré aux enquêteurs.
Et Virginia Giuffre d’expliquer que “le seul lien de leur amitié semblait être que Brunel pouvait obtenir des douzaines de filles mineures et nourrir le grand appétit d’Epstein.”
“Un soir, il m’a droguée avec une boisson, et m’a violée”
Mais Mediapart ne s’arrête pas à ces deux récits. Le média d’investigation publie les témoignages de deux anciennes mannequins de l’agence de Jean-Luc Brunel. “J’avais 17 ou 18 ans, lui environ 45. Un soir, il me fait venir dans sa chambre, il prend un rail de cocaïne, il me dit qu’on va coucher ensemble”, raconte notamment Zoe Brock. Elle explique que l’homme l’aurait ensuite mise à l’écart une fois qu’elle avait pris ses distances refusant d’avoir une relation sexuelle avec lui.
La seconde, une jeune mannequin hollandaise nommée Thysia Huisman accuse clairement l’homme d’affaires de l’avoir violée. “Un soir, il m’a droguée avec une boisson, et m’a violée (...) je me suis retrouvée dans son lit, il était sur moi”, explique-t-elle à Mediapart. Et l’accusatrice d’expliquer avoir observé des soirées chez Jean-Luc Brunel où “de très jeunes filles, de Russie, d’Ukraine et de Tchécoslovaquie accompagnaient des hommes d’affaires plus âgés”.
Le site d’information fondé par Edwy Plenel révèle également le témoignage d’une ancienne employée de la société MC2, Maritza Vasquez. Elle raconte que les deux hommes auraient fait un pacte, Jean-Luc Brunel assurant le rabattage de nombreuses jeunes filles pendant que Jeffrey Epstein soutenait l’agence de mannequinat de son ami, en proie à des difficultés financières. “La seule chose que semblait gagner Epstein en retour était les filles”, affirme Maritza Vasquez, qui a connu plusieurs de ces adolescentes, dans la lignée du témoignage de Virginia Giuffre.
Le richissime homme d’affaires possédait d’ailleurs un appartement au 22 avenue Foch, dans le XVIe arrondissement. “La seule de ses six propriétés qui ne se situe pas sur le territoire américain”, précise le média en ligne. Autant d’éléments qui alimentent les soupçons autour du rôle de Jean-Luc Brunel et des agissements de Jeffrey Epstein en France. Et qui ne devraient pas calmer la colère de ceux qui réclament des investigations dans l’Hexagone.
Le parquet confirme pour sa part à Mediapart avoir bien reçu des éléments, en cours d’analyse et de vérifications. Le tout pour déterminer si une enquête doit être ouverte sur le territoire ou non.