la CREME DU SAVOIR VEDIQUE
Verset Trois
Le Srimad Bhagavatam,
la crème du savoir védique
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nigama-kalpa-taror galitaḿ phalaḿ
śuka-mukhād amṛta-drava-saḿyutam
pibata bhāgavataḿ rasam ālayaḿ
muhur aho rasikā bhuvi bhāvukāḥ
nigama — les Ecritures védiques; kalpa-taroḥ — l'arbre-à-souhaits; galitam — parfaitement mûr; phalam — fruit; śuka — Śrīla Śukadeva Gosvāmī, le premier à narrer le Śrīmad-Bhāgavatam; mukhāt — des lèvres de; amṛta — nectar; drava — à la fois ferme et mou; saḿyutam — parfait à tous points de vue ; pibata — le savoure; bhāgavatam — le livre qui traite de la science de la relation éternelle unissant les êtres distincts au Seigneur Suprême; rasam — suc (ce qui est savoureux); ālayam — jusqu'à la libération, ou même à l'état libéré; muhuḥ — toujours; aho — ô; rasikāḥ — ceux qui sont pleinement versés dans la science des doux sentiments; bhuvi — sur la terre; bhāvukāḥ — compétents et réfléchis.
TRADUCTION
Sachez, hommes d'intelligence, que le Srimad-Bhagavatam représente le fruit mûr de l'arbre-à-souhaits des lettres védiques. Ce tendre fruit à saveur de nectar a touché les lèvres de Sri Sukadeva Gosvami, et pris ainsi, même pour les âmes libérées, un goût encore plus suave.
TENEUR ET PORTEE
Les deux premiers slokas ont prouvé de manière définitive que le Srimad-Bhagavatam est l'Ecrit sublime par excellence, dépassant, grâce à ses qualités purement spirituelles, tous les autres Textes védiques. Il se trouve au-delà de toute voie d'action et de connaissance matérielle. Le troisième sloka ajoute que le Srimad-Bhagavatam n'est pas seulement un Ecrit d'ordre supérieur, mais encore le fruit mûr de toute la littérature védique. En d'autres mots, il forme la crème du savoir védique. Il vaut donc, tout bien considéré, qu'on y prête une oreille patiente et soumise. Il est en fait essentiel d'en recevoir le message et les enseignements avec un grand respect et une attention soutenue.
Si on compare les Vedas à un arbre-à-souhaits, c'est qu'ils contiennent tout le savoir connaissable par l'homme, tant sur le plan des nécessités matérielles que de la réalisation spirituelle. Les Vedas renferment toute la connaissance et les lois relatives à la vie sociale, politique, religieuse, économique et militaire, de même qu'à la médicine, la chimie, la physique et la métaphysique, bref tout ce qui est requis pour maintenir l'harmonie du corps et de l'âme. Mais par-dessus tout, ils contiennent des directives précises quant à la réalisation spirituelle. Le développement méthodique du savoir implique une élévation graduelle de l'être jusqu'au niveau spirituel, et le sommet de la réalisation spirituelle consiste à saisir que Dieu, la Personne Suprême, est le Réservoir de toutes les émotions spirituelles, ou rasas.
Tout être, depuis Brahmâ, le premier être créé dans l'univers, jusqu'à l'insignifiante fourmi, désire tirer quelque émotion de ses perceptions sensorielles, et ces plaisirs des sens portent le nom de rasas. Les rasas sont très variés, mais les Ecritures les regroupent sous douze catégories; 1) srngara, ou sentiment amoureux; 2) vatsalya, ou affection parentale; 3) sakhya, ou amitié, fraternité; 4) dasya, ou attitude de service; 5) santa, ou neutralité; 6) raudra, ou colère; 7) adbhuta, ou émerveillement; 8) hasya, ou comédie; 9) vira, ou vaillance; 10) daya, ou compassion; 11) bhayanaka, ou peur, horreur; 12) bibhatsa, ou bouleversement.
La somme de tous ces rasas traduit le concept d'affection, d'amour. Les manifestations premières de l'amour sont l'adoration, l'attitude de service, l'amitié, l'affection parentale et les sentiments intimes; lorsqu'elles sont absentes, l'amour se manifeste par voies indirectes, à travers la colère, l'émerveillement, la comédie, la vaillance, la compassion, la peur ou le bouleversement. Par exemple, lorsqu'un homme s'attache à une femme, leurs relations se basent sur des sentiments amoureux, ou srngara-rasa. Mais si leurs rapports se troublent, le rasa d'amour peut se mêler d'émerveillement, de colère, de bouleversement, voire même d'horreur, ou encore se changer en un autre rasa. Ainsi voit-on parfois des affaires amoureuses se terminer par des crimes horribles. Les rasas s'échangent toujours entre des êtres de même espèce. Il ne saurait y avoir échange de rasa entre un homme et une bête, ou tout autre être de ce monde, et vice-versa. Mais l'âme spirituelle participe de la même nature que le Seigneur Suprême, ne fait qu'un avec Lui sur le plan qualitatif; c'est donc au niveau absolu, entre l'être spirituel distinct et le Tout spirituel suprême, l'Etre Souverain, ou Dieu, que les échanges de rasas trouvent leur origine, et aussi leur déploiement total.
Les sruti-mantras, ou hymnes védiques, donnent donc le Seigneur Suprême pour "la Source de tous les rasas". C'est lorsque l'être distinct entre en contact avec Lui, échangeant à nouveau avec Lui le rasa naturel et éternel par quoi ils sont unis, qu'il trouve le véritable bonheur. Ces mêmes sruti-mantras enseignent que chaque être, dans sa condition originelle, est fait pour échanger un rasa particulier avec le Seigneur Suprême; mais pour retrouver la plénitude de cet état primordial, il est nécessaire d'atteindre à la libération, car dans l'existence matérielle, le rasa ne se trouve que sous une forme temporaire et dénaturée. C'est d'ailleurs pour cette raison que dans l'univers matériel, les rasas prennent diverses formes matérielles, comme celle de la colère (raudra), ou d'autres du même ordre, secondaires. Ainsi, celui qui développe une connaissance approfondie de ses différents rasas, lesquels sont à la base de toute action, peut comprendre que les rasas de l'univers matériel ne constituent qu'un reflet déformé des rasas originels du monde spirituel. Le véritable érudit aspiré à goûter le pur rasa, dans sa forme spirituelle. A un niveau plus bas, d'autres désirent simplement se fondre dans l'Absolu, et tant qu'ils n'ont aucune connaissance des divers rasas, même les plus intelligents d'entre ces spiritualistes ne parviennent pas à s'élever au-delà de cette identification avec le Tout spirituel.
Par ailleurs, notre sloka établit très clairement que le rasa spirituel, qui réjouit même les âmes libérées, peut être goûté à travers l'étude du Srimad-Bhagavatam, et cela parce que cet Ecrit sublime représente le fruit mûr de l'arbre du savoir védique. En prêtant une oreille soumise à son message purement spirituel, on peut atteindre au comble de la joie et satisfaire tous les désirs de son coeur. Mais il faut prendre garde de recevoir ce message d'une source sûre, de l'exacte manière dont il fut reçu à l'origine. Narada Muni le fit descendre du monde spirituel et le transmit à son disciple Sri Vyasadeva, lequel le transmit à son tour à son fils Srila Sukadeva Gosvami; celui-ci de nouveau le communiqua à Pariksit Maharaja, sept jours seulement avant la mort du roi. Srila Sukadeva Gosvami fut une âme libérée dès sa naissance, et même dans le sein de sa mère; il ne reçut d'ailleurs aucune formation spirituelle après sa venue au monde. A la naissance, nul n'est développé, du point de vue matériel ou spirituel. Mais Sri Sukadeva Gosvami, parce qu'il était une âme parfaitement libérée, n'avait besoin de se plier à aucune méthode de réalisation spirituelle. Pourtant, bien qu'il fût totalement libéré, établi au niveau spirituel, par-delà les trois gunas, il se sentit attiré par le sublime rasa que l'on goûte auprès du Seigneur Suprême, Celui qu'adorent les âmes libérées en chantant les hymnes védiques. Les Divertissements du Seigneur sont en fait plus fascinants pour l'âme libérée que pour l'homme du commun. Notons ici encore une fois que Dieu, où la Vérité Absolue, ne saurait être impersonnel, puisqu'il n'est possible d'échanger un rasa qu'avec une personne.
Sukadeva Gosvami relate donc de façon systématique les Divertissements spirituels et absolus du Seigneur dans les versets du Srimad-Bhagavatam; il en rend le sujet attrayant pour tous, y compris pour ceux qui cherchent seulement à atteindre la libération ou à ne plus faire qu'Un avec le Tout Suprême. En sanskrit, le mot suka désigne un perroquet, dont le bec rouge a le pouvoir d'accroître la douce saveur du fruit mûr dans lequel il mord. De même, le fruit mûr et savoureux du savoir védique prend un goût encore plus suave lorsqu'il sort des lèvres de Sri Sukadeva Gosvami. On ne compare pas ce dernier à un perroquet en raison de son aptitude à répéter le Srimad-Bhagavatam tel que le lui a transmis l'érudition de son père, mais bien à cause de l'art avec lequel il présente l'ouvrage d'une manière telle que tous les hommes, quelle que soit leur condition, seront fascinés par son message.
De plus, Srila Sukadeva Gosvami expose le tout d'une manière qui permettra que tout auditeur sincère, s'il y prête une oreille soumise, goûte aussitôt des émotions purement spirituelles, entièrement distinctes des sentiments pervertis propres à l'univers matériel. Ce fruit mûr n'est pas brutalement tombé de Krsnaloka, la planète suprême. Il a été transporté avec grand soin, sans aucun heurt, sans être en rien déformé, suivant les chaînons de la pure filiation spirituelle. Les esprits déraisonnables, n'appartenant pas à la succession disciplique, provoquent de grandes erreurs lorsqu'ils tentent de percer le mystère du plus haut des rasas spirituels, manifesté à travers la danse rasa, sans marcher sur les traces de Sukadeva Gosvami; ce dernier, en effet, présente avec grand soin le fruit du Bhagavatam, assure la progression du lecteur, pas à pas, vers la plus haute réalisation spirituelle, à défaut de laquelle tout reste obscur. L'on devrait donc avoir suffisamment d'intelligence pour reconnaître à sa juste valeur le Srimad-Bhagavatam, en s'inspirant de maîtres comme Sukadeva Gosvami, qui prennent autant de précautions, et d'aussi efficaces, pour révéler ce savoir. La méthode utilisée par les illustres représentants de l'école Bhagavata pour recueillir le savoir, c'est-à-dire en approchant un disciple authentique de Sukadeva Gosvami, s'offre à tous les étudiants du Srimad-Bhagavatam comme l'unique méthode pour en pénétrer le message. Ceux qui font profession de réciter le Srimad-Bhagavatam de manière tout à fait inauthentique ne sauraient être des représentants de Sukadeva Gosvami. Ils ne désirent qu'assurer leur subsistance. Il faut donc éviter d'entendre les discours de tels escrocs, qui ont généralement pour habitude de passer directement à la partie la plus "confidentielle" de l'ouvrage, sans rien connaître de la méthode graduelle qui permet d'en pénétrer la signification profonde. Ils plongent le plus souvent au coeur du récit de la danse rasa, qui ne peut qu'être mal interprétée par l'homme du commun. Certains considèrent ce Divertissement du Seigneur comme immoral, d'autres l'obscurcissent de leurs stupides interprétations. Aucun d'eux n'éprouve le moindre désir de marcher sur les traces de Srila Sukadeva Gosvami.
Nous devons donc en conclure que celui qui désire sérieusement approfondir ce qu'il en est du rasa trouvera le plus grand intérêt à recevoir le message du Srimad-Bhagavatam d'un représentant qualifié de Sukadeva Gosvami dans la succession disciplique, car ce dernier narre le Srimad-Bhagavatam à partir de son commencement, et non de manière capricieuse ou à seule fin de satisfaire des esprits matérialistes au savoir spirituel des plus minces. En fait, Sukadeva Gosvami présente le Srimad-Bhagavatam avec tant d'art qu'un étudiant sincère et sérieux savourera aussitôt le fruit mûr du savoir védique, simplement s'il accepte d'en boire le nectar de ses lèvres ou de celles de son authentique représentant.
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