ÉTAS-UNIS - Théories du complot relayées par Donald Trump, demandes d’enquêtes indépendantes... Le scandale enfle aux États-Unis après la mort en prison samedi 10 août du riche financier Jeffrey Epstein, beaucoup croyant à un meurtre plutôt qu’à un suicide pour ce sexagénaire aux nombreuses connexions dans les cercles du pouvoir.
Le ministre américain de la Justice William Barr, qui s’était dit “effaré” samedi de ce décès, a annoncé l’ouverture de deux enquêtes, l’une du FBI, l’autre des services de son ministère, sur le décès, apparemment par pendaison, de celui qui fut longtemps une figure de la jetset avant d’être incarcéré à New York début juillet pour de multiples agressions présumées sur mineures.
Jeffrey Epstein, 66 ans, était accusé d’en avoir fait venir des dizaines dans ses luxueuses résidences, notamment à New York et en Floride, les forçant à des “massages” qui tournaient presque toujours aux rapports sexuels forcés.
“Faire monter la colère”
Sans attendre le résultat des enquêtes annoncées, beaucoup refusaient dimanche de croire au suicide pour cet homme qui avait invité tant de puissants dans ses jet privés ou à ses soirées que son futur procès aurait pu mettre beaucoup de personnalités, sinon dans le viseur de la justice, au moins dans l’embarras.
Le président Donald Trump a encouragé ce flot de spéculations sur un possible meurtre, rassemblées sous le mot-dièse ”#EpsteinMurder”: il a retweeté samedi soir la vidéo postée par le comédien Terrence Williams, affirmant qu’Epstein “avait des informations sur (l’ex-président) Bill Clinton” et en sous-entendant que cela serait lié à sa mort.
Un retweet dénoncé dimanche par plusieurs candidats démocrates à la présidentielle 2020, dont le Texan Beto O’Rourke et le sénateur du New Jersey Cory Booker. “Ce que (Trump) fait est dangereux: il donne vie non seulement à des théories du complot mais il fait aussi monter la colère et pire contre certaines personnes”, a ainsi estimé le responsable.
Pour attiser les théories du complot, toujours promptes à enflammer les réseaux sociaux, beaucoup mettaient en avant les quelque 2000 pages de documents judiciaires rendues publiques vendredi, détaillant les accusations contre Epstein d’une certaine Virginia Giuffre dans une action intentée au civil. Elle citait plusieurs hommes politiques avec lesquels elle aurait été forcée par Epstein d’avoir des relations sexuelles. Tous ont démenti.
Autre interrogation: la prison fédérale où se trouvait Epstein, le Metropolitan Correctional Center de Manhattan, est réputée l’une des plus sûres du pays. C’est là que fut enfermé jusqu’en juillet le narcotrafiquant mexicain Joaquin Guzman “El Chapo”, à l’origine de deux évasions spectaculaires au Mexique.
Un ex-détenu de l’unité spéciale dans laquelle était incarcéré Epstein a assuré au New York Post qu’il était “impossible” qu’Epstein s’y soit suicidé par pendaison. Selon lui, tout est fait pour rendre un tel geste irréalisable: draps “fins comme du papier”, plafonds hauts de plus de 2,5 mètres, lit impossible à déplacer, aucun objet dur ou métallique autorisé en cellule, passage de gardiens “toutes les 9 minutes”....
Surveillance relâchée?
Même sans souscrire aux théories du complot, beaucoup s’interrogeaient sur les raisons pour lesquelles Jeffrey Epstein ne bénéficiait plus -depuis le 29 juillet, selon plusieurs médias- d’une surveillance renforcée anti-suicide, alors qu’il avait apparemment fait une première tentative le 23 juillet. Il avait alors été retrouvé allongé dans sa cellule avec des marques au cou, même si ses blessures étaient alors sans gravité.
“Les pédophiles inculpés de crimes fédéraux ont un haut risque de suicide” et “demandent une attention particulière”, a ainsi tweeté l’ex-ministre adjoint de la Justice Rod Rosenstein. “Arrêter la surveillance anti-suicide du détenu le plus en vue du pays six jours après une tentative paraît vraiment une décision étrange”, a également tweeté le candidat démocrate Andrew Yang.
En attendant de possibles images des caméras de surveillance de la prison, certains commentateurs n’excluaient pas que Jeffrey Epstein aient pu, grâce à son argent, bénéficier d’aide au sein de l’établissement.
Des spécialistes du système judiciaire ont néanmoins fait valoir que les suicides étaient un problème grandissant, mais mal documenté, dans les prisons américaines. En 2014, dernière année pour laquelle des chiffres sont disponibles selon The Atlantic, 249 personnes se seraient suicidées dans les seules prisons fédérales et d’Etats.
Au milieu de ce tourbillon d’informations et Indignation et théories du complot après, alors que plusieurs victimes présumées d’Epstein regrettaient que sa mort les empêche d’obtenir justice, le procureur fédéral de Manhattan a promis samedi soir de poursuivre l’enquête et d’exposer ses éventuels complices, n’excluant pas de nouvelles inculpations.
Comment Jeffrey Epstein
recrutait ses très jeunes
victimes
Il faisait appel à une armée de recruteurs pour satisfaire son appétit sexuel inextinguible.
Comment Jeffrey Epstein
recrutait ses très jeunes
victimes
Il faisait appel à une armée de recruteurs pour satisfaire son appétit sexuel inextinguible.
ÉTATS-UNIS - L’affaire Jeffrey Epstein, le financier américain qui s’est suicidé samedi dans sa prison new-yorkaise, a fait apparaître au grand jour un réseau tentaculaire de collégiennes et lycéennes poussées à satisfaire son appétit sexuel inextinguible, alimenté par l’argent et de jeunes recruteuses. “On the younger side”.
Il les préfère “plus jeunes”. Voilà comment Donald Trump décrivait, en 2002, les goûts de son ami Jeffrey Epstein en matière de femmes, qui étaient, en réalité, le plus souvent des jeunes filles. À l’époque, le riche et brillant financier était encore fréquenté par célébrités et politiques.
Armée de recruteuses
Mais dans le secret de ses propriétés somptueuses de Palm Beach ou New York se jouait une autre partition, selon les enquêtes des autorités américaines et les multiples actions en justice de victimes présumées. Des dizaines de jeunes filles, certaines âgées de 14 ans seulement, se succédaient dans cette salle de “massage” que Jeffrey Epstein avait fait aménager, avec sex-toys à profusion.
Pour s’assurer un flux continu, il avait missionné une armée de recruteuses, souvent à peine plus âgées que leurs cibles, qu’elles approchaient en douceur, présentant Jeffrey Epstein comme un bienfaiteur.
“Il m’a aidée”, a expliqué l’une d’elles à Jennifer Araoz, qui avait alors 14 ans, à la sortie de son école à deux pas de la maison de Jeffrey Epstein à Manhattan. Le quinquagénaire pouvait donner un coup de pouce à sa carrière dans le monde du spectacle, promettait la recruteuse à cette adolescente qui venait d’intégrer un établissement artistique.
Des jeunes filles “de milieu défavorisé”, voilà le profil type des recrues de ce que le procureur fédéral de Manhattan, Geoffrey Berman, a décrit comme une “toile” en “constante expansion”.
“Il pouvait me faire assassiner ou enlever”
Une fois enrôlées, les jeunes filles entraient dans le “petit livre noir”, un carnet d’adresses qui finira par comprendre, selon le Miami Herald, plus de 100 noms. Selon plusieurs témoignages, domestiques, secrétaire et recruteuses géraient au millimètre ce sombre emploi du temps, avec prise de rendez-vous, transport, parfois même en jet privé, instructions et rétribution, souvent 200 à 300 dollars par visite, voire cadeaux.
Chaque séance devait se faire nue et comprenait presque systématiquement attouchements, voire pénétration. “J’étais terrifiée et je lui disais d’arrêter”, se souvient Jennifer Araoz au sujet d’une visite lors de laquelle Jeffrey Epstein l’aurait violée. “Il n’avait aucune intention de s’arrêter.”
“Si je quittais Epstein (...) il pouvait me faire assassiner ou enlever et j’ai toujours su qu’il en était capable si je ne lui obéissais pas”, a expliqué Virginia Roberts lors d’une audition devant la justice. Comme d’autres, elle a affirmé que l’ex-trader “fournissait aussi des filles” à ses “amis”, “pour qu’ils lui soient redevables”.
Jeffrey Epstein est dans le collimateur de la justice depuis 2005. En 2008, il a été officiellement inscrit au fichier des délinquants sexuels. Mais lorsque le FBI a perquisitionné sa maison new-yorkaise, en juillet, il est tombé sur la fameuse salle de massage.